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Les feux de forêt, les inondations et les canicules: à travers l’Amérique du nord —et au-delà— c’est le trio qui commence à faire faire des cauchemars aux compagnies d’assurance… et à tous ceux qui auront à payer la facture.

Ces dernières années aux États-Unis, une vingtaine de désastres par an se sont soldés, chacun, par des factures dépassant le milliard de dollars pour les assureurs, contre trois ou quatre par an il y a trois décennies. Ça s’est traduit par des coûts d’assurances plus élevés pour les nouveaux acheteurs de maisons, ou par des compagnies qui ont carrément décidé de ne plus assurer dans des zones à risque. Pas assez vite toutefois, pour empêcher 10 assureurs de faire faillite dans les deux dernières années, en Floride seulement —épicentre des zones inondables sur le continent nord-américain.

Mais pas assez vite non plus, rapporte l’économiste Benjamin Keys dans le New York Times, pour empêcher des millions d’Américains, surtout des retraités, d’acheter en Floride ou en Arizona —dans ce dernier État, il y aura, dans trois décennies, 132 jours par année dépassant les 35 degrés Celsius. « Dans 50 ans, le résultat pourrait être des kilomètres de maisons invivables, le long des côtes et dans les déserts. »

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Une partie beaucoup plus importante de la population que ces retraités risque du coup de ressentir les premiers effets de la crise climatique, non pas dans son environnement, mais dans son compte de banque: devant la montée des risques, la facture des assureurs va grimper pour tout le monde, pas seulement pour ceux dans des zones à risque. Et si les assureurs s’avèrent incapables de payer, la facture va revenir aux gouvernements. Dans tous les cas, la valeur des maisons va décliner, appauvrissant encore plus des familles pour des mauvais choix faits dans la mauvaise décennie. Et c’est sans compter tous ceux qui n’ont pas pu avoir d’assurances ou n’ont pas voulu en avoir —aux États-Unis, ils représenteraient les deux tiers de ceux vivant dans des zones inondables— et qui se retrouveront ruinés à cause du prochain désastre naturel.

Bien des études et des reportages ont souligné depuis longtemps que les changements climatiques frappaient plus durement les populations les plus pauvres: autrement dit, pas uniquement les pays plus pauvres, mais les segments de la population les plus pauvres dans les pays riches. La multiplication des désastres va inévitablement accroître le problème, puisque l’immobilier est souvent le principal investissement de nombreuses familles, voire le seul.

En attendant, les événements « extrêmes » qui frappent  cette semaine d’un bout à l’autre du continent —la canicule à Porto Rico, les incendies au Québec, dans l’ouest et dans l’est du Canada, ainsi que le smog de ces feux qui s’est répandu à des milliers de kilomètres— rappellent que même le continent le plus riche est mal préparé à ce qui s'en vient. Mercredi, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, évoquait la possibilité de créer une agence spécialisée dans la réponse à ces désastres, sur le modèle de la FEMA aux États-Unis, afin de pouvoir « agir en préparation de ces futurs événements ».

Les gouvernements peuvent en théorie minimiser les risques en obligeant les assureurs à garder en leur possession un capital suffisant pour pallier à la hausse inévitable des factures. Et en obligeant ceux qui ne le font pas encore à facturer en fonction du « risque climatique ». Les gouvernements peuvent aussi repenser leurs stratégies d’aménagement forestier, évoquent cette semaine des experts, dans le contexte des feux de forêt qui font rage au Québec.

Mais ultimement, écrit Benjamin Keys, ceux qui cherchent à acheter dans une zone à risque « ont besoin de se réveiller ». « Une ère de complaisance » doit prendre fin.

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