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Les « notes de la communauté » de l’ex-Twitter (aujourd’hui X), créées pour aider à repérer des informations fausses, sont loin d’atteindre leurs objectifs. Environ 80% des fausses informations en anglais relatives au conflit Israel-Hamas n’ont pas fait l’objet d’un tel avertissement, et 92% des notes en portugais n’ont pas été rendues publiques aux usagers, selon deux analyses menées séparément en décembre.


Ce texte fait partie de notre série sur Les coulisses de la désinformation en science 


 

La première analyse, du magazine américain Pro Publica et du Centre Tow de l’Université Columbia, révèle aussi qu’un grand nombre des comptes qui disséminent ces fausses informations ont obtenu un crochet bleu —le symbole qui désignait jadis une personne ou un groupe dont l’identité avait été vérifiée, mais que la plateforme vend désormais pour 8$ US par mois. Dans un cas —une vidéo dont on affirmait qu’elle provenait de Gaza mais qui avait été tournée en Syrie, il y a 9 ans— le crochet bleu avait été obtenu quelques heures avant la diffusion du tweet. Or, le fait d’avoir un crochet bleu fait « monter » un compte dans l’algorithme de X —autrement dit, ses messages obtiennent une plus grande visibilité.

Cette analyse s’est penchée sur 200 affirmations liées à la guerre que des médias vérificateurs de faits avaient déterminées comme étant fausses, et sur 2000 messages qui avaient relayé ces affirmations. 

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Rappelons que le conflit entre Israël et le Hamas a entraîné, depuis le 7 octobre, un flot de désinformation d’une ampleur jamais vue sur les réseaux sociaux. 

La seconde enquête, du média de vérification des faits brésilien Lupa, a constaté que, entre le 3 mars 2023, moment où le service des « notes de la communauté » a commencé en portugais, et le 1er décembre, 3846 comptes ont produit 16 800 notes. Sauf que seulement 1352 notes, ou 8%, ont fini par être publiées. Parmi celles toujours en attente, on en trouvait au moins 232 liées à des messages qui attribuaient faussement des impacts négatifs aux vaccins contre la COVID. 

Les « notes de la communauté » sont nées en 2021 sous le nom de Birdwatch : l’idée est de permettre aux usagers qui ont été acceptés par l’administration de greffer une note à un message qu’ils jugent douteux, en citant des sources fiables. La note n’est toutefois pas automatiquement publiée: et comme l’enquête de Lupa le rappelle, les critères pour qu’elle le soit —intervention humaine ou algorithmique?— restent opaques

Dans le cas de la guerre à Gaza, Pro Publica constate une meilleure performance: le temps d’attente moyen pour la publication d’une note serait passé de 7 à 5 heures depuis le début du conflit. Il est toutefois possible que la guerre à Gaza soit une exception: Lupa a constaté que « dans la base de données qui regroupe toutes les langues dans lesquelles existent des « Community Notes » et où la majorité (70 %) des contributions ont été faites en anglais, 88 % des suggestions recueillies figuraient en attente d'évaluation ».

Dans un contexte de dégradation des discours 

Dans les semaines suivant sa prise de possession de Twitter, Elon Musk avait mis à pied une bonne partie des équipes chargées de lutter contre la désinformation. Depuis, les analyses abondent quant à la dégradation de la qualité des conversations sur Twitter, sans parler de la montée des propos hostiles et haineux. C’est dans ce contexte que Musk avait annoncé l’expansion des « notes de la communauté », alléguant que celles-ci permettraient « d’améliorer l’exactitude de l’information » sur la plateforme. L’une des promesses était la suspension des comptes qui seraient reconnus comme partageant de la désinformation.

Depuis, les problèmes identifiés par différents observateurs ne tiennent pas juste au petit nombre de notes par rapport au grand nombre de fausses infos, mais à la plus grande viralité de ces dernières. Ainsi, parmi les 200 comptes identifiés par Pro Publica, les 40 plus populaires avaient au moins 100 000 abonnés au début du conflit. Par la suite, ces 40 comptes sont globalement passés de 5 millions à 17 millions d’abonnés pendant le premier mois du conflit. 

Or, 50 des 200 comptes identifiés avaient bel et bien été suspendus à la fin de la période analysée par Pro Publica. Mais globalement, ces 50 totalisaient… 7000 abonnés. 

Le 29 octobre, Twitter annonçait que les comptes dotés d’un crochet bleu ne pourraient plus tirer de revenus publicitaires de messages auxquels avait été attachée une note de la communauté.

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