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L’État du Tennessee a voté une loi qui interdit… les chemtrails. Soit ces traînées blanches à l’arrière des avions, que plusieurs attribuent —erronément— à des épandages de produits chimiques.

Sans utiliser le mot « chemtrail », la loi interdit « l’injection volontaire, la libération ou la dispersion de produits chimiques dans l’air », et interdit  « d’affecter la température, la météo ou l’intensité des rayons du soleil ». La loi a été votée par la Chambre des représentants à majorité républicaine le 1er avril, et ce n’était pas un canular: elle avait déjà été adoptée par le Sénat de l’État le 18 mars. Si elle est signée par le gouverneur, elle entrera en vigueur le 1er juillet. 

Plusieurs des citoyens qui sont venus témoigner en faveur de la loi ont cité des théories du complot invoquant des programmes gouvernementaux secrets qui modifieraient la météo. Un des témoins a dit croire que la Maison-Blanche était engagée dans de telles expériences. Des élus ont mentionné les chemtrails parmi leurs sources d’inquiétudes et un média local, le Tennessee Lookout, rapporte qu’un des parrains de la loi, le sénateur républicain Steve Southerland, a fait référence aux chemtrails lorsqu’il a expliqué à un journaliste la raison d’être de la loi.

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Au moins un des élus, rapporte NBC News, a par ailleurs demandé si les feux de forêt de l’été 2023 auraient pu être causés par un ensemencement des nuages ou si la géoingénierie pourrait être responsable d’une hausse des cancers.

Géoingénierie est un terme qui désigne toutes sortes de projets, qui n’existent que sur papier, et qui ont en commun de vouloir réduire les effets du réchauffement climatique. Les allusions à la géoingénierie tirent ici leur origine d'un rapport de 44 pages du Bureau des sciences et de la technologie de la Maison-Blanche qui, l’an dernier, analysait la faisabilité d’une idée relevant pour l'instant de la science-fiction: installer d’énormes miroirs en orbite qui seraient capables de renvoyer vers l’espace une partie des rayons du Soleil, et d’ainsi atténuer un peu le réchauffement climatique. 

Mais les législateurs, eux, ratissaient beaucoup plus large dans leurs discussions, en évoquant pêle-mêle le besoin de se protéger de la « géoingénierie solaire » comme si elle existait déjà, les chemtrails et l’ensemencement des nuages —cette dernière idée, elle, est effectivement testée depuis des décennies, mais dans l’espoir d’accroître les précipitations. 

En plus du fait qu’elle n’existe pas encore, la géoingénierie reste hautement controversée dans la communauté scientifique et les projets à très grande échelle qu’elle nécessiterait sont très loin de pouvoir devenir réalité, à supposer qu’ils le deviennent un jour. 

« Chemtrail » est pour sa part un terme pseudoscientifique qui circule depuis les années 1990. Il est employé par des groupes qui croient que les traînées blanches qu’on peut parfois observer derrière les avions sont des produits chimiques —répandus à des fins qui ne sont jamais clairement expliquées. Le véritable terme scientifique est « contrails » ou « traînées de condensation »: ces lignes blanches sont le résultat d’un banal phénomène physique, lorsque la vapeur d’eau dans l’air se condense et gèle autour des particules émises par les réacteurs des avions. Ces traînées de condensation se forment en haute altitude (plus de 8000 mètres), où la température est de l’ordre de moins 40 degrés Celsius, ou bien à plus basse altitude dans un air très humide. 

L’insistance des élus républicains à voter une loi sur quelque chose qui n’existe pas, voire quelque chose qui jongle avec les pseudosciences, a poussé un élu démocrate à proposer à la blague un amendement à la loi, qui protégerait le Tennessee contre le yéti et le Bigfoot. 

Interrogé par la BBC, le directeur local de l’organisme de défense de l’environnement Sierra Club, s’est interrogé lui aussi sur la légitimité d’une telle loi: « en tant qu’organisation environnementale sérieuse, si ce qui est dans cette loi se produisait vraiment, nous en appellerions à ce que ça s'arrête ». Il observe aussi que des projets de lois similaires sont à l’étude dans plusieurs autres États, et que plusieurs des personnes venues témoigner au Tennessee étaient allées témoigner en faveur de ces autres lois dans les autres États. 

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