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Non, la COVID ne peut pas être transmise par les « chemtrails ». Non, un vaccin ne peut pas non plus être distribué par un avion du haut des airs. Mais le Détecteur de rumeurs s’est demandé comment de telles idées avaient bien pu se répandre.


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« Chemtrails » est le nom que certains donnent à ces traînées blanches à l’arrière d’un avion en haute altitude. L’idée qu’il s’agisse d’une forme d’épandage « chimique » remonte aux années 1990: on accusait ces nuées blanches d’être de mystérieux produits épandus par de mystérieuses compagnies dans un mystérieux dessein. Or, cette année, plusieurs se sont mis à croire en un lien entre ce que ces avions répandent, et la pandémie: le site de vérification des faits britannique Full Fact recense à lui seul une douzaine de théories du complot en 2022 autour des chemtrails.

En réalité, ces nuées sont des traînées de condensation composées de cristaux de glace et de fines particules émanant du moteur des avions, et qui résultent du passage des avions dans des zones à haut niveau d’humidité. Le véritable terme scientifique est « contrails » (fusion des mots anglais condensation et trails , qui veut dire piste ou traîne). Le mot « chemtrail » (chemical et trail) envoie à l’inverse comme signal qu’on est dans une théorie douteuse.

Des théories du complot en constante évolution

Par exemple, la BBC a repéré un message Facebook de février 2022, selon lequel la COVID serait causée par des « poussières intelligentes » émanant des « chemtrails » et que ces « poussières » seraient « activées » par des « ondes 5G ».

Le message ne citait aucune source et ne fournissait aucun hyperlien à l’appui de ses dires. Cela n’a pas empêché cette idée d’être partagée, sous différentes formes, sur des forums anti-5G, antivaccins et pro-QAnon —ce mouvement qui prétend qu’un complot pédo-sataniste gouverne le monde.

Et cette idée n’était elle-même qu’une nouvelle variation des fausses informations qui, dès le début de 2020, avaient accusé la 5G d’avoir causé la pandémie: tout dépendant de la théorie à laquelle on adhère, la 5G serait une « décharge électrique », un « rayon d’énergie » ou une « arme biologique » —cette dernière option permettant de faire un lien avec les « chemtrails »— créée en secret par les gouvernements de la planète.

Quant à l’association entre les vaccins et les « chemtrails », une de ses origines, selon l’agence de presse australienne AAP, serait un message Facebook de juin 2022 affirmant que le gouvernement australien voulait vacciner de force la population, en disséminant le vaccin par les « chemtrails ». Or, ce message a lui-même une origine plus ancienne: il est pratiquement un copié-collé d’un texte de 2016, provenant d’un site complotiste: à cette époque, cette vaccination forcée via les nuages était censée cibler le choléra.

L’article de 2016 ne citait pas non plus de sources. Selon le site Full Fact, la source d’inspiration (lointaine) serait un essai clinique approuvé en 2013 par le gouvernement australien pour tester l’efficacité d’un vaccin modifié génétiquement contre le choléra, et qui serait avalé, sous forme liquide. Le vaccin a été approuvé aux États-Unis en 2016 sous le nom de Vaxchora.

La pandémie, un terreau fertile

En juillet, le journaliste spécialisé en désinformation de la BBC notait que les « influenceurs » faisant la promotion des théories sur les chemtrails étaient « très actifs sur des plateformes comme Facebook ou Telegram », où ils s’échangeaient des cartes de trajectoires d’avions à leurs yeux suspectes. Mais il semble que ces groupes « contiennent aussi régulièrement des messages antivaccins et font la promotion du déni des changements climatiques », contribuant à l’accroissement des théories du complot dont on a été témoin pendant la pandémie: celle-ci, avec son bagage d’incertitudes et d’anxiété, a en effet été un terreau fertile pour ces théories. Même Wikipédia a créé une page sur le sujet.

Il faut rappeler que des études ont démontré depuis longtemps qu’une personne qui croit à une théorie du complot est plus à risque de croire à une deuxième ou une troisième théorie du complot: c’est ainsi que la personne qui adhérait en 2016 à l’idée que les gouvernements répandaient des produits chimiques en haute altitude, sera réceptive à une théorie similaire en 2022. C’est également ainsi qu’une personne qui, avant 2020, adhérait au mouvement QAnon, est plus susceptible de croire à un complot mondial associant 5G et COVID ou chemtrails et vaccins.

Dès 2015, le chercheur néerlandais Jan-Willem van Prooijen, soulignait lui aussi que ces théories ont tendance à fleurir pendant des périodes d’incertitudes, qu’elles soient économiques ou politiques — soit des moments qui accentuent le sentiment de perdre le contrôle sur nos vies. Face à l’inexpliqué, écrivait un an plus tôt le psychologue britannique Rob Brotherton, «nous sommes poussés à chercher une intention plutôt qu’un accident», parce que c’est plus rassurant. Et de tout temps, les épidémies ont évidemment fait partie de ces périodes d’incertitudes fortement anxiogènes.

 

Photo: Mark Robinson / Flickr / CC

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