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Une agence gouvernementale qui publie un document pédagogique expliquant pourquoi la théorie du complot des chemtrails est fausse... s’expose inévitablement à alimenter les théories du complot des chemtrails. Et un avion qui s’écrase... déclenche inévitablement des théories du complot.

Le 14 mars, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) publiait un document PDF sur ces longues lignes blanches qui se dessinent dans un ciel bleu, derrière un avion. C’est un phénomène physique connu depuis longtemps: la rencontre entre le froid, à haute altitude, et la chaleur des moteurs, crée une traînée de condensation —d’où son nom anglais, contrails. Pour les complotistes toutefois, c’est l’avion qui vide derrière lui une mystérieuse substance «chimique» —d’où le nom, chemtrails. Les seuls menus détails sur lesquels les complotistes ne s’entendent pas: de quoi est composée cette substance, quel est son but, d’où vient-elle, et quel est son impact.

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Le document de l’EPA, publié dans sa rubrique «aviation» explique donc qu’il s’agit de «traînées de condensation composées de particules de glace», qui s’évaporeront plus ou moins vite suivant le niveau d’humidité dans l’air et l’altitude, «conséquence normale des avions à réaction depuis leurs premiers jours».

En réponse, les partisans de la théorie ont rapidement mis l’EPA dans le panier du complot. «L’EPA a permis aux grandes compagnies chimiques de tuer l’humanité en douce», peut-on lire sur Twitter. Des vidéos sont également apparus sur YouTube se moquant des prétentions de l’EPA, ou du gouvernement, ou des militaires, ou des trois en même temps.

Phénomène similaire en marge de l’écrasement de l’avion allemand dans les Alpes françaises cette semaine. La tragédie n’était même pas vieille d’une journée que déjà, certains invoquaient un mystérieux court-circuit survenu au Large Hadron Collider —le LHC, le puissant accélérateur de particules en Suisse. Le fait que le court-circuit ait eu lieu trois jours avant l’écrasement n’a pas semblé ébranler les défenseurs de cette théorie.

Point commun aux deux événements: une théorie du complot ne vient jamais seule. Les défenseurs de la théorie du LHC défendent parallèlement quantité de théories plus farfelues les unes que les autres. Et ceux qui croient aux chemtrails, croient aussi à d’autres complots cachés au sein du gouvernement, ou d’un gouvernement parallèle, ou d’un gouvernement mondial, ou des trois.

Coïncidence, c’est cette semaine que le sénateur du Texas Ted Cruz annonçait sa candidature à la présidence des États-Unis. Un sénateur qui ne laisse pas sa place, côté complots: le réchauffement climatique est une invention des «alarmistes», l’institution qu’il a choisie pour son annonce défend le créationnisme... et lors de sa campagne 2012, il avait accusé une entente internationale, l’Agenda 21, d’être un complot des Nations Unies pour nuire au gouvernement américain. Signé en 1992 par 178 pays, l’Agenda 21 était la première entente (volontaire et non contraignante) visant à encourager les nations à se tourner vers ce qu’on appelait à l’époque le développement durable. Cette entente est fréquemment ciblée par les théoriciens du complot.

Quant à l’EPA, elle s’est fait demander par des journalistes pourquoi elle avait senti le besoin de publier ce PDF. Parce que, a répondu une porte-parole, l’EPA reçoit beaucoup de questions sur les chemtrails.

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