Une soi-disant étude qui proclamait faussement que les trois quarts des gens décédés de la COVID l’avaient été à cause du vaccin a été rétractée, mais 13 mois après sa prépublication. Elle aura eu le temps d’être abondamment citée dans les mouvements antivaccination.
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Ceux qui la vantaient en 2023 évitaient toutefois de dire qu’il s’agissait d’une prépublication, c’est-à-dire un article qui n’a été révisé par personne. Ils ont également faussement attribué l’article à la revue médicale The Lancet, parce que le serveur de prépublication en question, SSRN (Social Science Research Network), collabore depuis 2018 avec The Lancet pour lancer des discussions sur différents sujets. Une note publiée sur les sites du Lancet et de SSRN précise pourtant que les prépublications « ne sont pas des publications du Lancet, ni n’ont nécessairement été revues par un des journaux [du groupe] Lancet ».
Déjà, dans les jours suivant l’apparition de cette prépublication, en juillet 2023, des analyses, comme celle du site Science Feedback, avaient noté de sérieuses erreurs méthodologiques. Par exemple, bien que l’article soit censé être une synthèse de 134 études de cas sur des autopsies post-COVID, les auteurs ont exclu 90 de ces études, la plupart sans expliquer pourquoi. Ils écrivent avoir tenu compte de tous les cas où « le vaccin est une cause possible du décès », mais sans dire comment ils ont exclu les autres causes possibles. Ils ne distinguent pas non plus les décès par l’âge ou le dossier médical —deux facteurs qui, à l’année longue, expliquent un grand nombre de décès, avec ou sans vaccin.
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Ce bilan douteux n’a pas empêché la prépublication d’être abondamment relayée par des sites de l’écosystème des opposants à la vaccination, incluant le site d’extrême-droite InfoWars.
En juin dernier, les auteurs ont finalement réussi à publier leur article, dans la revue Forensic Science International. Le 1er août toutefois, celle-ci publiait un avis de rétractation, alléguant notamment une méthodologie « inappropriée », de même que « des erreurs, des représentations trompeuses et un manque d’appui factuel pour les conclusions ».
Publiée depuis 1972, Forensic Science International est une revue mensuelle dotée d’un comité de lecture : cela signifie donc que le texte a été relu avant publication. Les lecteurs et réviseurs sont, traditionnellement, anonymes.
Parmi les auteurs de l’article, on note le cardiologue américain Peter McCullough, qui s’est souvent fait remarquer depuis le début de la pandémie pour ses affirmations fausses au sujet des vaccins ou de la COVID. En fait, cinq des neuf signataires de la version de juin 2024 sont, avec McCullough, affiliés à la firme américaine The Wellness Company, qui vend des produits dits de « santé naturelle » et des traitements « alternatifs » à la vaccination.