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Ses détracteurs affirment que la voiture électrique pollue plus que la voiture à essence. Ses défenseurs répondent que c’est absurde. Le Détecteur de rumeurs découvre qu’ils ont tous les deux raison… tout dépendant de la région du globe où ils habitent.


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Cette incertitude ne réside pas dans la fabrication de la voiture puisque, si on met côte à côte une voiture à essence et une voiture électrique, elles peuvent être faites des mêmes matériaux. À deux exceptions près, qui sont ce sur quoi il faut s’appuyer pour comparer : comment est produite l’électricité qui alimente la voiture électrique et comment sont fabriquées les batteries.

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1) D’où provient l’électricité ?

Concrètement, un véhicule électrique alimenté avec de l’électricité produite par des énergies fossiles, surtout le charbon, émet plus de gaz à effet de serre qu’un véhicule à essence, illustre une étude de novembre 2018 de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Ainsi, une voiture électrique aux États-Unis ou en Chine est quatre fois plus polluante en moyenne que son équivalent à essence. On retrouve des calculs similaires dans une étude de 2013 du groupe de recherches Shrink That Footprint.

Aux États-Unis, l’électricité qui alimente la voiture électrique provient d’une combinaison de gaz naturel et de charbon dans une majorité d’États, selon une étude de 2015 du National Bureau of Economic Research (NBER), quoique certains États sont plus verts que d’autres.

Dans plusieurs pays comme la Chine, l’Afrique du Sud et l’Australie, plus de 60 % de l’électricité est produite avec du charbon, selon la Banque Mondiale.

À l’opposé, l’auto électrique est particulièrement verte en Norvège et en Albanie, paradis européens de l’hydroélectricité.

Au Canada, le Québec est le seul endroit où la voiture électrique est moins polluante que l’auto à essence. Mais encore faut-il, pour cela, qu’elle ait roulé 29 000 km pour être plus avantageuse en matière d’émissions de GES que sa contrepartie à essence.

Ce chiffre provient d’une étude de 2016 réalisée par le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) de Polytechnique Montréal pour le compte d’Hydro-Québec, qui compare tous les impacts environnementaux (gaz à effet de serre, épuisement des ressources fossiles et minérales) des voitures électriques et à essence, après une utilisation de 150 000 km sur 10 ans.

Pourquoi le Québec se démarque-t-il ? Parce que pratiquement toute sa production d’électricité vient de sources renouvelables, dont 95 % de l’hydro-électricité. Ainsi, une voiture électrique qui circule au Québec émet 65 % moins de GES qu’ailleurs, est 58 % moins dommageable pour les écosystèmes et 29 % moins nuisible pour la santé humaine, selon le CIRAIG.

En comparaison, selon l’Office national de l’énergie, en 2016, 63 % de la production électrique venait du charbon en Nouvelle-Écosse, et près de 50 % en Saskatchewan et en Alberta, où la part de gaz naturel était également de plus du tiers.

2) Polluantes batteries

Le second élément à considérer pour comparer les deux véhicules se cache dans la batterie de la voiture électrique.

Selon la firme de consultants Ricardo, en 2011, fabriquer un moteur à essence entraînait une production moyenne de 5,6 tonnes de CO2, comparativement à 8,8 tonnes pour le modèle électrique, principalement à cause des batteries. L’AEE estime pour sa part que le potentiel de toxicité (la pollution de l’air liée à l’extraction et au raffinage des métaux comme le cuivre et le nickel) est 2,2 à 3,3 fois plus élevé avec les véhicules électriques.

De plus, le processus impliquant les matières premières destinées aux batteries demande de grands volumes d’eau et d’énergie, dans des pays où les normes environnementales ou de santé-sécurité sont moins strictes qu’en Europe.

Enfin, les principaux producteurs de batteries lithium-ion sont situés en Chine, Pologne, Allemagne et Thaïlande, des pays qui dépendent du charbon pour produire de l’énergie, selon une étude de Bloomberg New Energy Finance et du cabinet Berylls Strategy Adisors. Selon leur estimation, il faut atteindre 50 000 km avant qu’une voiture à essence pollue davantage qu’une Nissan Leaf équipée d’une batterie électrique de 30 kWh.

Il faut noter que les batteries aujourd’hui ont une durée de vie d’au moins huit ans. Mais pour connaître la valeur réelle de cette donnée, il faudrait vérifier si les acheteurs d’un véhicule électrique le gardent plus longtemps, et jusqu’à quel point les composants de la batterie sont ensuite réutilisables.

Le handicap de la voiture à essence

Certes, la voiture à essence part avec un gros handicap... l’essence. Il faut extraire le pétrole du sol, le transporter jusqu’à la voiture, et la combustion de cette essence génère des gaz à effet de serre. Une étude du Centre de recherche conjoint de l’Union européenne (Well-to-Wheels)  évaluait en 2011 que toutes ces étapes nécessitent 65 % plus d’énergie (en mégajoules) que celles exigées pour faire rouler une voiture électrique. C’est ce qui explique que, plus la source de production de l’électricité de la voiture électrique est non polluante (le solaire, l’éolien ou l’hydro-électricité) et plus la voiture électrique part avec une avance impossible à rattraper.

L’avenir

De plus, la pollution liée à la fabrication de batteries devrait diminuer avec la mise en service graduelle de giga-usines, alimentées en grande partie par de l’énergie renouvelable. La Gigafactory de Tesla, au Nevada, inaugurée en 2017, devrait assurer 60 % de la production mondiale de batteries lithium-ion. Cette usine, deuxième bâtiment au monde par sa superficie, est entièrement alimentée par des énergies renouvelables (géothermie, éolienne et surtout, solaire). Elle produirait 20 % plus d’énergie qu’elle n’en consomme, selon engeneering.com. Tesla construit une deuxième Gigafactory près de Shanghai.

Volkswagen, Renault-Nissan, Daimler, BMW et la Chinoise BYD, planifient également leurs propres méga-usines de batteries. Les dirigeants de VW ont affirmé en 2017 que l’industrie automobile mondiale devrait en construire une cinquantaine pour répondre à la demande liée à la conversion du parc automobile planétaire vers la voiture électrique.

Le vent tourne aussi dans l’industrie de la production d’électricité, avec la conversion des centrales électriques du charbon vers le gaz naturel et les énergies renouvelables, en cours notamment aux États-Unis. La Chine s’est aussi engagée dans un plan de décarbonisation de sa production électrique et de son secteur des transports. Déjà, dans des pays comme l’Allemagne, du point de vue des émissions de GES, voiture électrique ou thermique s’équivalent.

Verdict

Le bilan carbone de la voiture électrique peut être supérieur, mais il n’est pas voué à le demeurer. On peut imaginer que, dans un futur plus ou moins rapproché, la voiture électrique sera réellement moins polluante que la voiture à essence, et ce presque partout dans le monde.

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