australopitheque

Le Détecteur de rumeurs ne s’était encore jamais intéressé aux supernovas, ces étoiles qui terminent leur vie dans une gigantesque explosion. Mais la nouvelle, beaucoup partagée sur les réseaux sociaux, voulant que nos ancêtres aient commencé à marcher à cause d’une série de supernovas, a attiré notre attention.


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L’origine de la rumeur

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Bien que ce soit un article dans le quotidien britannique The Guardian, qui ait été le point de départ des partages sur les réseaux sociaux (intitulé « Des explosions d’étoiles ont conduit les humains à marcher sur deux jambes, suggère une étude radicale »), l’origine de cette nouvelle est bel et bien une recherche : publiée le 28 mai dans le Journal of Geology par deux chercheurs en physique du Kansas, on y lit ce court passage :

La conversion des forêts aux savanes a longtemps été considérée comme un facteur central de l’évolution des hominidés vers le bipédalisme… Ainsi, il est possible qu’une supernova proche ait joué un rôle dans l’évolution des humains.

Beaucoup de « si »

Le gros de cette recherche s’appuie sur une série d’empreintes géologiques qui ont permis aux géologues, ces dernières années, de déduire que des étoiles ont explosé dans notre « banlieue » galactique il y a 2,6 à 8 millions d’années. Les auteurs placent un « sommet » de ces événements cosmiques il y a 2,6 millions d’années et l’attribuent à une étoile située à « seulement » 160 années-lumière — soit assez proche pour avoir été visible à l’œil nu. Leur hypothèse est que les radiations causées par ce dernier événement auraient été suffisantes pour perturber notre atmosphère, augmentant du coup, présument-ils, le nombre d’orages électriques, donc les éclairs, donc les feux de forêt — et de là, concluent-ils, auraient transformé les forêts, où vivaient nos ancêtres, en savanes. Il se trouve que le passage aux savanes, ou herbes hautes, a souvent été pointé du doigt par les paléontologues comme une cause de notre évolution vers la marche sur nos « pattes arrière ».

Cela fait toutefois beaucoup de « si » et ce n’est que dans l’avant-dernier paragraphe (sur 10 pages) que les deux physiciens font cette allusion à la marche debout. Mais ils ont aussi choisi de placer cette interprétation dans leur « abstract » — soit le paragraphe d’introduction qui est censé résumer les points les plus importants d’une recherche. Donnant du coup à leur brève allusion de l’avant-dernier paragraphe une importance démesurée.

Deux gros bémols

Dans les faits, les paléontologues conviennent plutôt depuis longtemps que le passage au « bipédalisme » constitue un phénomène complexe, impossible à attribuer à une seule cause. Le besoin, dans un paysage de savane, de voir approcher les prédateurs de loin, est un facteur qui a pu jouer, mais d’autres ont certainement contribué, au fil des millions d’années : facteurs génétiques, comportementaux, environnementaux etc.

Par ailleurs, la célèbre Lucy, découverte en Éthiopie en 1974, marchait déjà debout il y a 3,2 millions d’années. Des fossiles suggèrent que sa famille Australopithecus afarensis était essentiellement bipède il y a 4 millions d’années. Moins connu, Sahelanthropus tchadensis marchait peut-être en partie sur deux jambes il y a 6 à 7 millions d’années.

Reste qu'en faisant référence, dans leur abstract, au rôle qu’auraient pu jouer les supernovas dans l’évolution vers le bipédalisme, les scientifiques ont réussi à attirer davantage l’attention que s’ils avaient parlé uniquement d’explosions d’étoiles.

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