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Depuis l’an dernier, nombreux sont ceux qui disent qu’ils veulent élargir « le dialogue » autour de la pandémie, en faisant entendre des opinions qui, à leurs yeux, sont négligées. Or, toutes les opinions n’ont pas une valeur égale et toutes les affirmations n’ouvrent pas nécessairement la porte à un dialogue. Le Détecteur de rumeurs donne quelques exemples.


Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurscliquez ici pour les autres textes.


Une conférence de presse tenue à Montréal le 3 novembre par un organisme appelé Réinfo Covid Québec a beaucoup circulé sur Internet. Sa popularité s’explique en partie par le fait que les cinq personnes qui ont pris la parole sont associées à la santé, et remettent en doute les mesures sanitaires, ou l’utilité du vaccin, ou la gestion de la pandémie, ou ces trois choses en même temps. Sur son site, l’organisme dit vouloir créer un lieu de dialogue, « d’échanges », de débats. L’animateur de la rencontre du 3 novembre, Pierre Brisson, a affirmé qu’il était « difficile de prendre la parole dans un espace public où il y a un [seul] narratif qui domine ».

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Parmi les choses qui ont été dites, certaines illustraient pourquoi toutes les opinions ne démarrent pas sur un pied d’égalité: une opinion peut être appuyée sur des données solides, tandis qu’une autre peut être appuyée sur des informations fausses ou trompeuses.

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Les personnes vaccinées peuvent être aussi contagieuses,
attraper autant la COVID et la transmettre autant que les personnes non vaccinées.

- Alain Roux, neurochirurgien


Information trompeuse - Dialogue difficile

Il est impossible de lancer un dialogue à partir d’une info qui est fausse ou trompeuse. Certes, on sait que certains des vaccinés peuvent transmettre la COVID, mais à ce jour, les données démontrent plutôt que les vaccinés l’attrapent moins souvent. Et surtout, on observe dans plusieurs pays que le risque d’hospitalisation et de décès est beaucoup moins élevé chez les personnes vaccinées que chez les non vaccinées. Autrement dit, le vaccin protège contre les formes plus graves de la COVID.

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« L’efficacité du vaccin est tombée à 70% et même 49 % »
-Jean-Yves Dionne, pharmacien

Information trompeuse et citée hors contexte - Dialogue difficile

Tôt ou tard, l’efficacité du vaccin va diminuer: là-dessus, tous les chercheurs s’entendent. Il est même possible qu’elle ait déjà commencé à diminuer. Mais si tel est le cas, il faut utiliser des chiffres dans leur contexte: contre quoi cette efficacité a-t-elle commencé à diminuer. Par exemple, le vaccin est-il moins efficace pour contrer la transmission du virus ou pour contrer les cas graves qui conduisent à une hospitalisation? Moins efficace dans certains groupes d’âge? Dans certains pays? Sera-t-il moins efficace avec le variant Omicron?

Tout récemment, une étude parue le 4 novembre dans le New England Journal of Medicine concluait que le vaccin de Pfizer avait encore une efficacité supérieure à 80% après six mois (donc inférieure à son efficacité initiale, mais néanmoins satisfaisante). Au Québec, une analyse des données de l’INSPQ parue en octobre parlait d’efficacité supérieure ou égale à 89% chez les personnes ayant reçu les deux doses du vaccin à ARNm, et de 73% chez celles qui ont reçu deux doses du vaccin d’AstraZeneca. Une étude parue dans la revue américaine Science le 14 octobre parlait d’une « mémoire immunitaire » encore « robuste » six mois après la vaccination.

Il est surtout faux de prétendre qu’il y a absence de dialogue sur ce sujet: c’est un débat qui occupe les experts depuis le début. Un tel débat doit toutefois se faire à partir de données solides.

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Comme les statistiques de décès et d’hospitalisations diminuent de vague en vague au Québec,
l’état d’urgence devrait être levé.

-Alain Roux

Opinion incomplète - Dialogue possible.

La question peut certainement être débattue: à partir de quel seuil serait-il légitime de lever l’état d’urgence? Ou encore: puisqu’il continuera d’y avoir des hospitalisations et des décès après la levée des mesures sanitaires, quel est le niveau de risque que les Québécois seront prêts à accepter?

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la dangerosité de la COVID ne se résume pas aux sommets des « vagues »: toute mesure sanitaire qui a du succès empêche, par définition, un grand nombre de cas de se produire. Quel serait l’impact de la levée des restrictions? La question reste ouverte.

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« L’immunité acquise par le vaccin contre la COVID comporte des risques.
Peu importe les études, on répertorie 1 à 3 décès pour 100 000 vaccinés. »

-Annie Fortin, pharmacienne opposée à la vaccination des enfants

Information fausse - Dialogue impossible

Sur 59 millions de doses au Canada en date du 19 novembre, 46 décès survenus après la vaccination faisaient l’objet d’une enquête (soit moins de 1 sur 1 million), et pour aucun d’entre eux, un lien n’avait pour l'instant été établi. Si on ne considère que les enfants, plus de 3 millions et demi des 5-11 ans avaient reçu une première dose aux États-Unis en date du 24 novembre, et aucun décès n’avait été rapporté.

Il y a par contre un débat possible sur les sources fiables à utiliser pour obtenir ce type d’information. Selon Les Décrypteurs, la source utilisée par Mme Fortin serait VAERS, une base de données américaine sur laquelle n’importe qui peut inscrire n’importe quel effet secondaire, prouvé ou non. Voir à ce sujet notre texte.

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Le vaccin fait peser des risques de décès causés par des problèmes cardiaques (myocardite et péricardite)
« qui sont clairement mentionnés sur le site de Santé Canada »

-Annie Fortin

Information trompeuse - Dialogue difficile

Le site de Santé Canada rapportait effectivement, en date du 12 novembre, 1241 cas de myocardites ou péricardites (sans qu’on ne puisse affirmer qu’ils sont tous liés au vaccin), soit un taux variant entre 0,86 par 100 000 doses (AstraZeneca), 1,88 par 100 000 (Pfizer) ou 3 par 100 000 (Moderna). Aucun décès ne leur est toutefois attribué.

Selon une étude israélienne parue le 6 octobre, les hommes de 16 à 29 ans seraient les plus souvent touchés. Une autre étude israélienne parue le 25 août avait également ciblé les adolescents comme groupe à risque —bien que dans la majorité des cas, il s’agisse de problèmes cardiaques légers. Aucun décès n’a été rapporté.

Notons par ailleurs que les études récentes convergent vers un risque de myocardite beaucoup plus élevé chez ceux qui ont eu la COVID.

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« Je suis contre l’obligation vaccinale. »
-Jean-Yves Dionne

Opinion - DIalogue possible?

Comme il n’y a pas d’obligation vaccinale au Québec, et que même l’Organisation mondiale de la santé recommande l’éducation de la population plutôt que la contrainte, on ne peut en discuter que sur une base théorique: l’obligation vaccinale pourrait-elle avoir des impacts positifs? Peut-on par exemple s’appuyer sur les impacts positifs des obligations par secteurs imposées dans certains pays, comme l’aviation, la police ou les fonctionnaires?

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On ne sait rien de l’innocuité des vaccins à ARNm à long terme.
- Carole Xavier, anatomo-pathologiste au CISSS Outaouais Gatineau.

Information trompeuse - Dialogue difficile

La technologie des vaccins à ARNm est en développement depuis près de 30 ans. Il est donc trompeur de laisser croire qu’on ne sait rien d’elle. Elle a fait l’objet d’études, entre autres, contre les virus de l’influenza, de la rage et du Zika.

Tout dépend toutefois de ce qu’on entend par « long terme ». Ainsi, une façon de dialoguer pourrait être de proposer un calendrier: combien de temps les hésitants suggèrent-ils qu’il faille attendre? Rappelons que les composants d’un vaccin ne restent pas indéfiniment dans notre corps: ils servent uniquement à « alerter » le système immunitaire.

Enfin, si ces vaccins sont arrivés rapidement sur le marché, ce n’est pas parce que quelqu’un a contourné les étapes, mais parce que des milliards de dollars en fonds publics ont permis d’obtenir un nombre énorme de volontaires en un temps record.

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Je ne suis pas vaccinée.
- Dre Carole Xavier

Opinion - Dialogue possible?

Est-il légitime pour une praticienne de la santé de ne pas être vaccinée? Est-ce éthiquement acceptable ? Est-ce contradictoire avec le serment de ne pas causer de tort aux patients? Le débat reste ouvert.

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Au-delà de la conférence de presse

Certains des membres du groupe Réinfo Covid ont tenu des propos plus forts que lors de cette rencontre. Par exemple, Pierre Brisson a déjà écrit que les vaccins contre la COVID sont des « injections mortelles » et qu’ils « tuent plus de personnes qu’ils n’en sauvent ».

Réinfo Covid est né d’un site du même nom en France, dont le fondateur, l’anesthésiste Louis Fouché, a déclaré entre autres choses que la campagne de vaccination causait une « mortalité inédite dans l’histoire de la médecine » et que le vaccin à ARN modifiait notre génome. Rien n’a été offert pour étayer ces affirmations.

 

Illustration: pch.vector

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