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Des suppléments de taurine auraient la capacité d’allonger l’espérance de vie des souris et d’améliorer leur santé. Bien que les chercheurs qui ont fait cette annonce, abondamment relayée la semaine dernière, aient pris soin de souligner qu’il ne fallait pas extrapoler aux humains, il a été difficile de ne pas se mettre à rêver à un élixir de longue vie. Le Détecteur de rumeurs se fait l’avocat du diable.


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La taurine est un acide aminé produit normalement par notre corps et par celui de nombreux animaux et qu’on peut obtenir dans notre alimentation, notamment par la volaille ou les fruits de mer. Elle est aussi présente dans les boissons énergisantes. On sait que notre taux de taurine dans le sang diminue avec l’âge. Une administration de suppléments de taurine pourrait-elle atténuer certains effets du vieillissement ? C’est ce que voulaient vérifier les auteurs de cette nouvelle recherche.

1) Premier bémol : attention aux études sur des souris

Une des premières choses à vérifier avant de s’enthousiasmer pour quelque étude que ce soit en santé :  a-t-elle été faite sur des souris ou sur des humains? Ce n’est pas un mince détail, sachant que de 90% à 94% des recherches « précliniques » (menées sur des animaux ou sur des cellules en éprouvette) échouent lorsqu’elles arrivent au stade « clinique » (sur des humains).

Ici, la chose a été dûment soulignée par les auteurs, lors de leur conférence de presse la semaine dernière : c’est à des souris qu’ils ont donné des suppléments quotidiens de taurine. Plus précisément, des souris de 14 mois —l’équivalent d’un humain de 40 à 50 ans. Ainsi qu’à des singes rhésus, des vers nématodes et à des levures.

2) D’autres facteurs peuvent expliquer l’augmentation de l’espérance de vie

En moyenne, écrit la cinquantaine de chercheurs de plusieurs pays, dans leur étude parue le 8 juin dans Science, les souris nourries avec des suppléments de taurine ont vécu de 10 à 12% plus longtemps que les autres. Elles ont aussi gagné moins de poids et perdu moins de masse musculaire et de densité osseuse.

En supposant que ce soient les suppléments de taurine qui aient entraîné ces effets, serait-il possible que ce soit uniquement la perte de poids qui soit la cause de cette augmentation de l’espérance de vie ? La question, soulevée dans un texte d’analyse qui accompagne la parution de la recherche, reste en suspens.

Chez les singes aussi, on a observé des marqueurs d’une meilleure santé : les singes « avec taurine » ont eux aussi pris moins de poids, ont présenté une meilleure densité osseuse et un meilleur système immunitaire. Leur espérance de vie toutefois, n’a pas pu être mesurée : celle d’un singe rhésus étant traditionnellement de 25 ans, il aurait fallu une étude beaucoup plus longue.

Les suppléments de taurine ont eu un effet positif modeste sur la durée de vie des nématodes, mais aucun sur les levures.

3) La diminution de la taurine avec l’âge : cause ou conséquence ?

À défaut de tester la taurine chez des humains, les chercheurs ont analysé deux bases de données, qui tendent à confirmer des observations faites depuis longtemps sur la taurine : le taux de cette molécule dans notre sang diminue avec l’âge, dans une proportion qu’ils estiment à 80%, entre l’enfance et la vieillesse.

Sauf que ce chiffre ne nous apprend pas si la possibilité de renverser cette tendance en ingérant davantage de taurine constituerait un traitement anti-vieillissement : cette baisse du taux de taurine entraîne-t-elle vraiment le vieillissement, ou en est-elle simplement une conséquence ?

4) Un dosage inconnu

La plupart des chercheurs interrogés depuis la semaine dernière sont d’autant plus réticents à recommander de prendre des suppléments de taurine que les doses données à ces souris et à ces singes sont élevées, et que d’essayer d’ingérer l’équivalent (6 grammes par jour pour une personne de 80 kilos) nous entraînerait dans un territoire inconnu —possibilités d’interactions nocives avec des médicaments, de problèmes digestifs et rénaux, entre autres.

5) Il y a d’autres méthodes plus éprouvées

En attendant d’en savoir plus, la médecine a identifié depuis longtemps des méthodes à l’efficacité redoutable pour augmenter l’espérance de vie : faire de l’exercice, manger plus sainement, éviter de prendre du poids. Comme l’a signalé Martin Juneau, de l’Institut de cardiologie de Montréal, dans La Presse et Le Devoir du 9 juin, « de bonnes habitudes de vie ralentissent le vieillissement ».

Aucune de ces « stratégies » n’est infaillible, mais elles sont à la portée de tous…

 

Photo: Ekaterina79 / Dreamstime.com

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