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Il est pratiquement impossible d’y échapper. Corollaire des activités humaines, le bruit est partout dans nos vies, à un point tel que la pollution sonore est devenue un problème de santé publique.

Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Hinnovic de l'Université de Montréal.

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Par Jérémy Bouchez.

Nous baignons dans un océan sonore

Un million d’années de vie en bonne santé perdus suite à la morbidité, à des invalidités ou à une mortalité prématurée. C’est, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2011), la conséquence de la pollution sonore résultante de la circulation automobile en Europe. Le bruit des véhicules n’est bien sûr pas la seule source de nuisance sonore ayant des conséquences importantes sur notre santé et sur l’environnement. Dans les grandes villes, nous baignons littéralement dans un océan de sons agressifs: construction, systèmes de son des voitures, motoneiges, concerts extérieurs ou intérieurs, bruits de voisinage (tondeuses, coupes-haies, scies électriques, instruments de musique, système Hi-Fi ou systèmes de cinéma maison, etc.), aéroports, parcs industriels trop proches des habitations. Il ne faut pas oublier non plus la pollution sonore que certaines personnes s’infligent de façon volontaire avec les casques audio branchés sur leur baladeur MP3, téléphone intelligent, tablette ou ordinateur. Même si les fabricants mettent en garde les utilisateurs contre les impacts potentiellement irréversibles d’un volume trop élevé sur l’oreille interne, les spécialistes de l’audition tirent la sonnette d’alarme. Une récente étude de l’institut de sondage Ipsos en France révèle que «trois jeunes sur quatre auraient déjà été sujets à des troubles de l’audition» et la tendance est la même au Québec. Ainsi, dans un dossier du magazine Protégez-vous, Marie-Pierre Caouette (Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec) déclarait en 2011 «qu’au cours de la dernière décennie, la demande pour des appareils et des services audiologiques a plus que doublé chez les 25-29 ans». Pour les experts, nous sommes littéralement en train de préparer une génération de sourds et il s’agit clairement d’un problème de santé publique.

Des impacts importants sur la santé

Les impacts du bruit sur la santé sont nombreux: gêne, dépression, acouphènes, diminution de la qualité du sommeil, augmentation du stress, risques cardio-vasculaire, retard d’apprentissage et problèmes de santé mentale pour des élèves fréquentant des écoles proches de sources importantes de pollution sonore comme un aéroport, une ligne de chemin de fer ou encore une voie autoroutière. Il faut savoir qu’un bruit de 40 dB durant moins de 3 minutes, peut réveiller la majeure partie des gens durant la phase 2 du sommeil, une période transitoire qui précède celle de l’installation du sommeil profond. Or, 40 dB équivalent au niveau sonore régnant dans une bibliothèque ou au fonctionnement d’un lave-vaisselle! Considérant ceci, il est facile de comprendre les répercussions des bruits auxquels nous sommes confrontés durant une journée. Imaginez vivre à côté d’un aéroport important. Si vous êtes dans la trajectoire des pistes, vous serez soumis aux heures de pointe à un bruit pouvant atteindre 120 dB pouvant durer quelques fois 20 secondes et se répétant toutes les 2 minutes, voire toutes les minutes pour les gros aéroports. Malgré la réduction importante des bruits des moteurs d’avion depuis 30 ans, vivre à proximité d’un aéroport augmente de 2 à 3% le risque d’être victime d’un accident vasculaire cérébral, en plus du risque d’augmentation de l'hypertension artérielle. C’est d’ailleurs pour sensibiliser les autorités municipales, provinciales et fédérales à la pollution sonore engendrée par l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau que des citoyens ont créé en 2012 le groupe Les Pollués de Montréal-Trudeau. Ces citoyens ont d’ailleurs effectué une levée de fond afin d’installer des sonomètres dans la trajectoire des avions et autour de l’aéroport. Il semblerait que le couvre-feu entre 23h00 et 7h00 du matin ne soit pas respecté.

Cependant, la pollution issue du bruit n’est pas nécessairement le fait d’une intensité sonore élevée. En effet, tout le monde a déjà subi la gêne occasionnée par un bruit faible ou répétitif la nuit ou dans un environnement silencieux comme un chien qui aboie, un ventilateur de condenseur de climatisation l’été ou même le tic-tac d’une horloge pour certain. Ce type de désagrément sonore peut-être aussi, voire plus gênant que le bruit d’un camion passant de jour sur une grande avenue. Comme le mentionne cet article du site de l’émission La vie en vert, «on doit tenir compte de ce qui est ressenti: à partir du moment ou un bruit gêne, dérange ou perturbe le bien-être normal, on est en présence de pollution sonore.»

Des solutions simples aux solutions plus complexes

Alors que faire pour réduire le plus possible les impacts de ce problème de santé publique? Premièrement, nous sommes autant récepteurs qu’émetteurs de bruits. Il revient donc à chacun de prendre des décisions visant à limiter son impact sonore. Cela peut-être en isolant phonétiquement son propre logement (surtout faisable en tant que propriétaire) ou en portant attention aux habitudes de nos voisins. En effet, la réduction de notre propre pollution sonore commence par le respect d’autrui. Il est bon également de «savoir s’écouter» par les nuisances des autres. Si on porte plus attention aux bruits qui nous indisposent, on sera plus susceptibles de ne pas reproduire le même comportement, par exemple en baissant sensiblement le volume sonore de la musique en voiture, surtout l’été quand les fenêtres sont grandes ouvertes, tant celles du véhicule que celles des logements. On peut apprécier écouter de la musique, mais on n’a pas le droit de l’imposer aux autres.

Interpeller nos élus

Il ne faut pas négliger l’importance d’une législation visant à réduire la pollution sonore. Quand on peut faire face à une amende conséquente ou à un jugement pour non-respect d’un règlement ou d’une loi visant à diminuer la pollution sonore, on réfléchit à deux fois avant de mettre de côté son savoir-vivre. Au Québec, il existe des lois et règlements visant à protéger l’environnement contre les pollutions sonores notamment dans la loi sur la qualité de l’environnement. Toutefois, le Regroupement québécois contre le bruit dénonce le retard de la province en matière d’arsenal législatif en matière de lutte à la pollution sonore. Si vous estimez que vous êtes victime d’une pollution sonore, voici la page du Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques qui vous explique les recours et démarches envisageables.

Le rôle central des fabricants et concepteurs de produits en matière de design et d’innovation

Les lois et règlements doivent aussi être renforcés du côté des fabricants. Nous n’arriverons pas à réduire la pollution sonore sans l’implication totale des fabricants et des concepteurs de produits. Soit le milieu industriel comprend l’importance d’innover et de créer des produits moins bruyants, soit il faut le contraindre à inclure la composante sonore dans tout projet industriel. Des efforts ont été faits dans certains domaines, comme celui du transport aérien. Les avions récents sont en moyenne 75 % moins bruyants qu’aux premiers temps de l’aviation à réaction, mais les riverains proches des aéroports sont toujours autant mécontents. En cause, l’augmentation constante du trafic aérien mondial. Finalement, la pollution sonore engendrée par le trafic automobile est un enjeu majeur. Dans ce secteur, les innovations nécessaires touchent autant à la conception des moteurs, au revêtement des routes, qu’aux dispositifs antibruit mis en place aux abords des routes et autoroutes. Au bout du compte, le fonctionnement du moteur (à explosion, rappelons-le!), l’écoulement de l’air et surtout le frottement des pneus sur le revêtement occasionnent un niveau sonore moyen de 80 dB en ville et d'avantage aux abords d’une autoroute. L’apaisement de la circulation routière passe par la diminution de la vitesse et de la quantité de véhicules se déplaçant, l’amélioration de la technologie du moteur (voire son abandon…) et la promotion de transports actifs. Alors que la population mondiale est de plus en urbaine, réduire les déplacements en voiture ou en camion permettrait de diminuer la pollution sonore tout comme la pollution atmosphérique, deux tueurs importants qui résultent de notre dépendance à l’automobile.

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