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Grâce aux rapides progrès des dernières années en matière de prothèses biomimétiques, la réalité semble rattraper la fiction.

Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Hinnovic de l'Université de Montréal.

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L’homme amélioré et les cyborgs font partie des thèmes privilégiés de la science-fiction depuis plusieurs décennies. Pouvoir réparer voire améliorer un Homo sapiens ont longtemps été des fantasmes pour l’industrie cinématographique, mais aussi pour la science! Pourtant, depuis quelques années, la réalité est en train de rattraper la fiction. Est-ce pour le meilleur ou pour le pire?

Surpasser la nature est la raison de vivre du transhumanisme, «un courant né aux États-Unis dans les années 80 qui prône le développement et l’utilisation des nouvelles technologies pour réparer, améliorer, surpasser l’être humain.» On pourra lire à ce sujet ce billet assez détaillé de Sophie Félix sur le site de l’Agence Science-Presse. Si le 20e siècle a été celui du fantasme de l’homme augmenté apparaissant dans la science-fiction, le 21e verra très probablement l’émergence d’Homo sapiens cyborgus.

Durant plusieurs décennies, le cinéma a été friand de l’homme-robot

Bien avant les années 80, le 7e art s’est emparé des thèmes du transhumanisme, de l’humain amélioré et de la transcendance des capacités humaines, mais il faudra attendre que des progrès soient réalisés dans le domaine des automatismes (eux-mêmes résultant de la cybernétique post Seconde Guerre mondiale de Norbert Wiener) pour voir apparaître les premiers personnages fictifs d’êtres humains possédant des attributs de robots ou de machines.

Même les séries télé ont commencé a coller à la mode des cyborgs dans le courant des années 70. On repensera à la série ‘’The Six Million Dollar Man’’ aux États-Unis qui relatait la nouvelle vie d’un ancien astronaute de la NASA grièvement blessé lors d’un test d’avion expérimental. Aux frontières de la mort, Steve Austin (Lee Majors) est choisi par l’Office of Scientific Intelligence dans le cadre d’un programme expérimental visant à améliorer fortement ses capacités humaines. Il reçoit ainsi des implants robotiques qui remplacent ses membres ou sens non fonctionnels. Austin devient clairement un cyborg, contraction de l’anglais « cybernetic organism », avec deux jambes, un bras et un œil « bioniques », c’est-à-dire des organes robotiques qui remplacent et améliorent les fonctions de ses organes biologiques déficients ou manquants. La série s’est elle-même inspirée d’une série de quatre romans de science-fiction de Martin Caidin.

Impossible également de ne pas mentionner Darth Vader quand on parle des cyborgs au cinéma. C’est probablement le plus célèbre d’entre eux. Le méchant de la sixologie de George Lucas est un rescapé. Anciennement Anakin Skywalker, il ne peut vivre sans son armure et ses membres cybernétiques (incluant un appareil respiratoire artificiel). Du côté des ‘’gentils’’ cyborgs, le film Robocop de Paul Verhoeven sorti en 1987 met en scène un policier de Détroit très gravement mutilé lors d’une explosion qui se voit transformé en homme-machine dans le but de faire baisser la criminalité.

Ce ne sont là que quelques exemples parmi beaucoup d’autres présents soit dans la littérature de science-fiction, soit dans les œuvres cinématographiques ou télévisuelles de science-fiction. Pourrait-on dire que ces œuvres sont le reflet d’une époque durant laquelle les améliorations des capacités biologiques d’Homo sapiens étaient un fantasme par le fait même d’être hors de notre portée technologique et scientifique? Personnellement, je le pense. Ce qui appartient au futur et à l’irréalisable attire beaucoup d’entre nous.

2015 : pas de Robocop ni de Steve Austin, mais des Hugh Herr!

Le futur dans les films de science-fiction du siècle dernier, nous y sommes. Justement, en 2015, est-on capable de greffer des membres robotisés à un Homo sapiens amputé et surtout de faire interagir ces prothèses avec le reste du corps? La réponse est oui!

La réponse est positive, mais nous sommes encore loin des performances de Steve Austin. Cependant, la miniaturisation de l’électronique, l’augmentation importante des capacités de calcul des micropuces et l’utilisation de matériaux composites ont fait faire un énorme bond technologique aux prothèses bioniques. Afin d’illustrer ces progrès, voici le site handresearch.com qui dresse l’inventaire des 13 percées technologiques dans la mise au point d’une main bionique qui reproduirait le plus fidèlement possible les caractéristiques d’une main biologique. Liberté et rapidité de mouvement, toucher, force, autonomie font partie d’autres critères cruciaux à prendre en considération quand il s’agit de copier « une des plus belles et des plus complexes pièces d’ingénierie créée par la nature. »

Hugh Herr ne vaut pas 6 million de dollars, ni ses jambes bioniques (quelques dizaines de milliers de dollars pour info), mais ces dernières représentent un formidable pas en avant dans l’élaboration de prothèses qui se rapprochent fortement des capacités des membres inférieurs biologiques. Les prothèses développées par ce chercheur et ingénieur du MIT sont dites biomimétiques, car elles s’adaptent au fonctionnement du corps. Le BiOM® T2 System est composé de moteurs très perfectionnés qui réagissent en fonction des mouvements du marcheur. Grâce à des microcalculateurs, la prothèse s’adapte près de 500 fois par seconde!

Il y a encore beaucoup de travail avant de rivaliser totalement avec l’ingénierie naturelle, mais les recherches avancent si vite que Hugh Herr pense comme d’autres experts qu’il faudra au maximum 20 ans avant de voir des prothèses pouvoir défier les capacités des membres biologiques (voir le reportage de France 2 dans notre capsule).

Les cyborgs sont donc pratiquement devenus une réalité et il se pose évidemment de nombreuses questions d’éthique face à l’émergence d’êtres humains modifiés. On pense déjà aux dérives possibles impliquant des individus aux capacités physiques augmentées et à l’utilisation que pourraient en faire les états ou des multinationales puissantes. Il faudra évidemment ériger des garde-fous au risque de voir apparaître des Steve Austin qui n’agiront pas forcément comme celui de la série des années 70…

Pour aller plus loin :

Cliquez sur la vidéo ci-dessus pour visionner le très bon documentaire de l’émission Infrarouge de France 2. Au menu, le transhumanisme et l’homme augmenté.

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