ESJ

Par Gabrielle Brassard-Lecours

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L’école supérieure de journalisme de Lille (ESJ) a récemment annoncé la mise sur pied d’une chaire de recherche en éducation aux médias, en partenariat avec Facebook. Cette initiative est en phase avec les nombreuses initiatives d’éducation aux médias déjà mises en place par la célèbre école de journalisme du nord de la France.

Intervenant déjà dans de nombreuses écoles secondaires (lycées) françaises pour sensibiliser les jeunes au fonctionnement des médias et au métier de journaliste, l’ESJ produit également du matériel pédagogique dans cette même veine, et, depuis quelques années, a même inclus dans le cursus scolaire des futurs journalistes que l’école forme un cours d’éducation aux médias.

Les efforts de ce domaine sont présents depuis longtemps en France, et ont été décuplés depuis les attentats au Bataclan en 2015, et lors des dernières élections présidentielles en 2016. « Avec la manipulation sur les réseaux sociaux pour influencer le vote aux États-Unis et le phénomène de radicalisation menant à des attentats, l’État et des institutions comme la nôtre ont mis les bouchées doubles pour engager le débat avec les jeunes à travers l’éducation aux médias dans les dernières années » explique Anne Lefèvre, directrice Projet régional d’éducation aux médias à l’ESJ. L’équipe pédagogique de l’ESJ a donc travaillé avec des équipes professionnelles de Paris dans les dernières années pour produire des vidéos éducatives et ludiques.

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Toute cette activité éducative dans le domaine des médias a donc culminé par la création de cette nouvelle chaire, financée par les pouvoirs publics et Facebook, dont l’apport n’est que financier, précise Mme Lefèvre. Le réseau social américain ne s’ingérera pas dans les travaux de la chaire ni ne lui fournira de données.

Les travaux de cette nouvelle chaire seront orientés vers les impacts des réseaux sociaux sur les jeunes par des études quantitatives et qualitatives. Comment leur navigation, leur usage quotidien et ce qu’ils y consultent influencent leur manière de réfléchir, d’envisager le monde ? Est-ce que l’usage des réseaux sociaux par les jeunes quand ils sont sensibilisés aux phénomènes qui s’y déroulent est différent ? Ces études seront faites par des chercheurs indépendants pour s’assurer d’une neutralité dans les données récoltées.

Pour l’aider dans ses travaux, la chaire de l’ESJ travaillera avec des laboratoires de recherche français et belges, une université lilloise et peut-être même avec la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains pilotée par Normand Landry, un pionnier de l’éducation aux médias au Québec. Il n’est pas exclu que les étudiants de l’ESJ soient mis à contribution d’une façon ou d’une autre pendant la tenue des travaux.

À terme, l’équipe de la chaire, composée de professeurs et de chercheurs, espère produire un « livre blanc » sur comment structurer et encadrer les réseaux sociaux et comment mesurer leur impact sur les jeunes. On tentera aussi de dégager les besoins en information, les bonnes pratiques numériques et les compétences nécessaires en éducation aux médias.

Un bon moment pour l’éducation aux médias

Comme ici, la presse française vit une crise, notamment de confiance avec le public. « Il est donc essentiel d’expliquer aux gens comment les journalistes travaillent, comment ces derniers sont soumis à des règles, à une déontologie qui ne leur permet pas de dire ou de faire n’importe quoi », affirme Anne Lefèvre. L’ère numérique a accentué la circulation de fausses informations, et il est parfois difficile de distinguer le vrai du faux, ainsi qu’une information de qualité d’une autre moins rigoureuse.

Pour solidifier les liens avec le public, l’ESJ se rend carrément à la rencontre des gens, par des formations dans des centres communautaires et autres lieux publics, mais aussi grâce à son « news truck », un camion mobile permettant de produire un journal télévisé ou radio en direct. À travers cet exercice pratique, les journalistes qui forment les citoyens aux rudiments du métier en profitent pour faire de l’éducation aux médias, en expliquant comment et dans quelles conditions s’exerce leur métier. Le fait que les étudiants de l’ESJ aient eux-mêmes des cours en ce sens les incite à en comprendre l’importance. « Ils sont très preneurs de cette manière, et certains anciens diplômés, après quelques années de pratique, reviennent vers nous pour nous dire qu’ils veulent maintenant se consacrer à l’éducation aux médias, car ça leur semble essentiel » confie Mme Lefèvre.

Il faut savoir qu’en France, en échange d’une aide à la presse gouvernementale du ministère de la Culture, les médias qui en bénéficient se doivent de mettre en place des initiatives d’éducation aux médias, et ce, depuis les années 1970. C’est ainsi que des journalistes sont parfois dégagés de leur rédaction quotidienne pour aller faire des ateliers avec les jeunes un peu partout dans le pays. Inspirant, non?

 

 

 

 


 

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