Un crâne peut être terriblement bavard ! Plus de 400 ans après son autopsie, réalisée lors de l'hiver de 1604, le crâne d'un jeune colon français de l'île Sainte-Croix parle encore de scorbut, de malnutrition et même des connaissances de son praticien.

« Le chirurgien-barbier, qui a découpé la calotte du crâne que nous avons exhumé, avait la main sûre et n'en n'était pas à sa première intervention. C'est du beau travail », s'enthousiasme l'anthropologue Robert Larocque, chargé de cours à l'Université Laval. À cette époque, le chirurgien-barbier était celui qui coupait les cheveux, mais également celui qui s'occupait des soins corporels. Il pratiquait également des chirurgies mineures et des autopsies.

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L'anthropologue accompagnait une équipe internationale, menée par le Dr Thomas Crist, professeur associé au Utica College de New York. Ce groupe de recherche vient de publier les étonnantes découvertes réalisées en 2003 dans le cimetière de Sainte-Croix. Alors que les anthropologues devaient rapporter des os prélevés en 1969 par de précédentes fouilles américaines, ils ont profité de l'occasion qui leur était donnée pour procéder à quelques analyses. Ils ont ainsi mis à jour un crâne riche en renseignements. Des restes humains bavards

L'étude d'un squelette humain révèle souvent beaucoup de choses. « Il est possible d'y retracer les marques qu'ont laissées les maladies, les infections buccodentaires, les lésions articulaires, les carences alimentaires et autres anémies », explique Robert Larocque. Si la maladie laisse beaucoup de traces, il s'avère toutefois plus difficile d'identifier la cause réelle du décès.

Le paléoanthropologue québécois désirait profiter de cette nouvelle exhumation pour prélever des informations sur le scorbut, une maladie que l'on ne comprenait guère à l'époque, mais qui faisait de nombreux ravages chez les explorateurs et les marins. La déficience de vitamine C provoque l'anémie et des altérations osseuses. « Le scorbut ramollit aussi les chairs. Les gencives enflent et deviennent molles. Il n'était pas rare que l'on les découpe pour soulager le patient, ce qui laissait également des traces sur les os des mâchoires », explique Robert Larocque. De nombreuses mâchoires exhumées à l'île de Sainte-Croix montraient des entailles qui pourraient très bien être le résultat de telles pratiques.

Même si ce n'est pas la plus ancienne autopsie du Nouveau Monde — Jacques Cartier rapporte des autopsies effectuées en 1535 — cette découverte reste passionnante. « C'est sûrement la première craniotomie ! » affirme le spécialiste de l'étude des squelettes humains.

Contrairement au médecin légiste, qui cherche à identifier l'individu et la cause du décès, l'anthropologue utilise les informations qu'il prélève sur les restes humains pour étudier la manifestation des maladies de l'époque, établir des profils des états de santé des communautés, etc. « Nous partageons les mêmes méthodes, mais pas les mêmes objectifs », insiste le chercheur. Ces squelettes vieux de quelques centaines d'années lui permettent d'observer les progrès de la médecine dans l'incessante lutte aux maladies.

À lire :

"Earliest Evidence of European Autopsy in the New World", le communiqué du United States National Park Service :

À (re)voir, les détails de l’autopsie crânienne pratiquée à l’hiver 1604-1605 à l’Île Sainte-Croix à l’émission américaine "Skeleton Stories" au canal spécialisé Discovery Health, du 10 novembre dernier.

Lieu historique international de l'île de Sainte-Croix

Par le National Park Service

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