Il est rare qu'un forage océanique rencontre des fossiles, reconnaissent les découvreurs, qui n'en reviennent pas encore de leur incroyable coup de chance. Certes, les carottes de terre que remontent à la surface les foreuses contiennent souvent des micro-organismes ou des traces d'anciens végétaux.
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Mais des dinosaures? Même si un navire devait être stationné juste au-dessus des restes d'une telle bestiole, sa foreuse, qui ne fait que 10 centimètres de diamètre, aurait bien plus de chances de tomber juste un peu trop à gauche ou un peu à droite, et personne n'en saurait jamais rien.
"C'est comme trouver une aiguille dans 10 bottes de foin", résume Jørn Hurum, paléontologue au Musée d'histoire naturelle de l'Université d'Oslo, en Norvège.
C'est le premier dinosaure jamais découvert en Norvège –plus précisément, dans la Mer du Nord– mais c'est surtout le "plus profond" jamais découvert.
La découverte est relatée dans la dernière édition du Journal norvégien de géologie.
Et encore, il a fallu près d'une décennie pour réaliser ce qu'on avait sous la main. Car la découverte remonte à 1997: deux géologues attachés à une équipe de recherche pétrolière avaient remonté, depuis une profondeur de 2615 mètres sous le plancher océanique, un étrange objet circulaire de quatre centimètres de large, encastré dans des sédiments. Certains géologues ont alors cru qu'il s'agissait du fragment d'une plante. L'objet a été montré à plusieurs étudiants au fil des ans, comme une sorte d'énigme qu'on se passe de main en main.
Jusqu'à ce que les mains soient celles de Jørn Hurum, en 2003. Immédiatement, celui-ci lui a trouvé une ressemblance avec un os d'articulations d'un des grands carnivores. Un examen au microscope par un paléontologue spécialiste des grands reptiles a confirmé qu'il s'agissait d'une réplique exacte d'un os de Platéosaure, une bestiole qui vivait en Europe il y a 195 à 210 millions d'années. Probablement la partie inférieure d'un membre, renchérit Hurum.
Certains paléontologues se montrent toutefois à demi-sceptiques. Bien qu'ils admettent qu'il s'agisse d'un os, et que sa datation ne semble pas laisser place au doute, en revanche, le fragment est drôlement petit pour affirmer aussi péremptoirement qu'il s'agit de telle espèce plutôt que telle autre.
Là-dessus, en plus de la ressemblance, Hurum n'a pour lui qu'un argument géographique: il y a 200 millions d'années, il n'y avait pas encore de Mer du Nord, de sorte que la Norvège et le Groenland étaient reliées par une bande de terre. Or, trois squelettes de platéosaures –dix mètres de long, quatre tonnes– ont été retrouvés au fil des années au Groenland, et plusieurs autres en Europe: en fait, il s'agit du dinosaure le plus commun d'Europe. Sa présence à cet endroit est donc tout à fait logique –en fait, il doit y en avoir d'autres qui "dorment" en-dessous de la Mer du Nord. Mais pour les trouver, ça va prendre plus qu'un coup de chance..