RécifCorailPalmyra

Quel est le point de non-retour, à partir duquel les récifs de coraux de la planète sont irrémédiablement en déclin? La parution la semaine dernière d’un rapport-choc n’a pas mis fin au débat, mais rappelle que la société marche sur un mince fil, quand il est question de ces points de non-retour.

On désigne par ce nom, ou en anglais tipping points, ou « points de bascule », des seuils à partir duquel un « système » est irrémédiablement perturbé, au point où même une réduction radicale des gaz à effet de serre ou un arrêt soudain de l’augmentation de la température de la planète, n’assurerait pas sa stabilité. Du moins pas avant plusieurs siècles. On retrouve dans la liste de ces « systèmes ». qui ont une influence sur le reste de la planète, la calotte glaciaire du Groenland, celle de l’ouest de l’Antarctique, le recul de la forêt amazonienne, la quantité de dioxyde de carbone (CO2) dans l’air, le ralentissement du Gulf Stream, etc. 

Le concept de « points de bascule » avait fait pour la première fois son chemin dans le langage courant en 2001. En juin 2012, deux publications parues coup sur coup, l'une de l’ONU (GEO-5) et l’autre dans Nature, concluaient que la Terre approchait de ces points de bascule, au nombre de neuf. 

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Selon le rapport publié la semaine dernière et signé par des scientifiques de 23 pays (Global Tipping Points Report 2025), le déclin des récifs de coraux serait donc le premier de ces phénomènes à avoir atteint ou dépassé son propre « point de bascule ». Il s’agit d’une mise à jour d’un rapport similaire publié en 2023. 

Des experts en récifs se sont empressés de pointer qu’il n’y a pas encore de certitude quant à un déclin irréversible: tout au plus peut-on affirmer qu’en approchant une température moyenne de 1,5 degré supérieure à la moyenne des siècles précédents (soit à peu près là où la planète en est rendue), on entre dans une zone de danger pour ces écosystèmes marins. Mais où se situe exactement ce seuil, il est bien possible qu’on ne le sache pas avec une absolue certitude tant qu’on ne l’aura pas dépassé.

Sauf que le signal d’alarme n’est pas banal, conviennent tous les biologistes marins: les récifs de coraux soutiennent entre un quart et un tiers de la biodiversité marine, selon une recherche publiée en 2011. C’est en plus de leur énorme valeur économique pour les sociétés humaines : source de nourriture et protection contre l'érosion des côtes.

Pour l’instant, l’alarme est accentuée par le fait que les océans ont connu ces dernières années une hausse plus rapide de la température moyenne, faisant craindre qu’ils soient sur le point d’atteindre les limites de leur capacité à absorber nos surplus de CO2. Ces records de température ont chaque fois entraîné des épisodes de blanchiment des coraux —c’est-à-dire une décoloration, qui est la manifestation visible de leur affaiblissement, et entraîne la mort d’une partie du récif. Ces épisodes de blanchiment ont été plus fréquents ces dernières années et ont touché une plus grande proportion des récifs mondiaux —renforçant encore une fois la crainte d’un point de bascule imminent

Rappelons qu'au rythme actuel où l’humanité ralentit ou diminue ses émissions de gaz à effet de serre (GES), c’est avec un réchauffement de plus de 2 degrés Celsius et demi que la planète va devoir vivre à la fin du siècle. Cette estimation provient de la plus récente compilation des promesses de réduction des GES (Emissions Gap Report 2024) publiées par les différents pays il y a 12 mois, en prévision de la conférence annuelle des Nations unies sur le climat. Une mise à jour de ces promesses est attendue sous peu en vue de la prochaine rencontre (COP30), le mois prochain.

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