Imaginez : Un bureau de travail confortable vous permettant de vous installer en position assise ou debout selon vos envies, des repas composés d’aliments de saison, locaux et biologiques fraichement préparés par une cheffe cuisinière, une salle de repos des plus silencieuse et douillette spécialement conçue pour vos siestes d’après-midi et une multitude de politiques priorisant vos besoins en santé mentale et physique. N’est-ce pas la définition de l’environnement de travail de rêve? Eh bien, vous ne rêvez pas. C’est ce que propose la certification WELL v2, et plus encore. Mais si toutes ces mesures mises en place pour garantir votre bien-être et satisfaire votre confort au travail avaient un impact significativement négatif sur l’environnement, voudriez-vous toujours que votre employeur vous en offre autant?
Avant de concevoir le bâtiment à bureaux de rêve, il est important d’évaluer sa performance environnementale. Et c’est exactement ce que Marguerite Niquel, étudiante à la maîtrise au LIRIDE (Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et écoconception), souhaite réaliser. Dans un contexte alarmant de changement climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) conseille fortement à tous les gouvernements d’agir rapidement pour réduire leurs émissions de gaz à effets de serre (GES) dans différents secteurs, dont celui du bâtiment [1]. Marguerite s’interroge alors sur une méthode permettant d’évaluer les émissions de GES, en plus d’autres impacts environnementaux, de la certification WELL v2.
Qu’est-ce que la certification WELL v2 ?
Mais tout d’abord, qu’est-ce que la certification WELL? Elle a été créée en 2014 par l’International WELL Building Institute (IWBI), qui cherchait à développer un concept de bâtiment ayant l’être humain comme priorité, puisque celui-ci passe plus de 90 % de son temps à l’intérieur [2]. En 2018, l’IWBI dévoilait la deuxième version de sa certification, encore utilisée à ce jour. Développée autour de dix concepts, WELL v2 offre la possibilité à tous types de bâtiments de se certifier selon un système de pointage. La manière de fonctionner est simple : pour chaque concept, il y a des prérequis et des optimisations décomposés en partie, comme illustré à la Figure 1.
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Les parties des prérequis doivent être respectées pour certifier le bâtiment. En ce qui concerne celles des optimisations, elles représentent une banque d’options dans laquelle le projet peut piger selon ses préférences. Chaque partie vaut un nombre spécifique de points. Quand les exigences d’une partie sont respectées, le projet obtient le nombre de points correspondant. Plus le projet obtient des points, plus il augmente son niveau de certification. Par exemple, pour qu’un projet soit certifié WELL Bronze, il doit seulement obtenir 40 points alors que pour être certifié WELL Platine, il doit obtenir 80 points dont, au minimum, 3 points dans chaque concept.
L’aspect environnemental de la certification WELL v2
Comme mentionné plus tôt, un bâtiment certifié WELL v2 peut sembler idéal d’un point de vue de santé humaine. Cependant, l’est-il tout autant d’un point de vue du changement climatique? Afin de répondre à cette question, l’analyse du cycle de vie (ACV) est un excellent outil. Cette méthode permet de calculer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service, tel qu’un bâtiment, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa construction jusqu’à la fin de sa vie, en site d’enfouissement ou au recyclage. Les parties de la certification WELL v2 peuvent donc faire l’objet d’une ACV.
Pour ce faire, il faut tout d’abord identifier les parties pouvant être étudiées par l’ACV, puisque cette méthode nécessite l’élaboration d’un inventaire, exprimé en quantité (de kg, de m3, de kWh, etc.). Après avoir identifié les parties à étudier, l’inventaire de chacune d’entre elles peut être réalisé. Pour cela, il est nécessaire d’identifier les différents éléments essentiels à l’atteinte des exigences mentionnées. Par exemple, lorsqu’il est question de gérer la combustion sur site, soit la partie intitulée Combustion Management, l’IWBI exige qu’un panneau d’interdiction de faire tourner le moteur de son véhicule au ralenti pendant plus de 30 secondes soit installé dans toutes les zones d’embarquement, de débarquement et de stationnement du projet [4]. L’inventaire de cette partie comprend donc la pancarte et le poteau, leur transport en camion de l’usine au chantier de construction, leur remplacement au cours de la vie utile du bâtiment et leur recyclage en fin de vie. Enfin, l’ACV peut alors être réalisée. Calculée à l’aide d’un logiciel de modélisation, on obtient des résultats en kg de CO2 éq. pour les impacts sur le changement climatique, en PDF.m2.yr pour les impacts sur la qualité des écosystèmes, et bien plus.
Les impacts des parties WELL v2 sur la santé humaine
Des résultats sont également obtenus pour évaluer les impacts des parties sur la santé humaine. Ceux-ci sont calculés en DALY. Cette unité permet de quantifier ce que l’Institut national de santé publique du Québec appelle les années de vie corrigées de l’incapacité [5]. C’est une manière de calculer les années qu’un être humain perd dû à sa condition de santé, elle-même impactée par l’environnement dans lequel l’être humain évolue. La Figure 2 illustre bien le concept.
Ainsi, en reprenant le cycle de vie de la pancarte et du poteau, celui-ci peut avoir un impact négatif sur la santé humaine. Cependant, la réduction d’émissions de GES, induite par la pancarte lorsque les conducteurs·rices la repèrent et arrêtent le moteur de leur véhicule, améliore la qualité de l’air et impacte positivement la santé humaine par rapport au statu quo. D’ailleurs, les impacts sur la santé humaine, adressés par les prérequis et les optimisations, ont été étudiés par l’IWBI et ont été quantifiés en DALY [7]. Ces DALY représentent les impacts si l’on maintient le statu quo, tel qu’en laissant le moteur du véhicule tourner indéfiniment. Plus la valeur de DALY est grande, plus les impacts sur la santé humaine sont grands et plus il est important d’adresser la problématique, ce qui peut être fait à l’aide de la certification. Ces chiffres permettent donc de quantifier les impacts des parties WELL v2 sur la santé humaine. En additionnant les deux valeurs de DALY, soit celle calculée par l’ACV et celle identifiée par l’IWBI, on obtient les impacts totaux sur la santé humaine pouvant être adressés par une partie.
En conclusion
On obtient des résultats pour quantifier les impacts sur l’environnement (en kg de CO2 éq. et en PDF.m2.yr, par exemple) et d’autres résultats pour quantifier les impacts sur l’être humain (en DALY). Les résultats peuvent être illustrés dans deux graphiques, tels que celui de la Figure 3. Le premier graphique aura pour axe des abscisses les impacts sur le changement climatique (kg de CO2 éq) et le second aura pour même axe les impacts sur la qualité des écosystèmes (PDF.m2.yr).
Ce graphique permet de séparer visuellement les parties et d’identifier celles à prioriser lors du processus de certification d’un projet WELL v2 : la zone verte du graphique regroupe les parties ayant un impact positif considérable sur l’être humain et un impact négatif négligeable sur l’environnement, soit les ingrédients idéals pour concevoir un bâtiment à bureaux de rêve dans un contexte de changement climatique. À partir de ce graphique, des recommandations adressées aux professionnel.les travaillant sur le processus d’accréditation de projets WELL v2 pourront être émises.