L’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus utilisée pour effectuer des manœuvres délicates et à haut risque lors de missions spatiales. Que ce soit pour déposer en douceur une sonde spatiale ou une astromobile sur un astre éloigné ou pour disposer d’un temps de rétroaction plus rapide entre le vaisseau spatial et le centre de contrôle. Agences spatiales et entreprises misent sur le développement de l’intelligence artificielle. Inspire-t-elle confiance aux astronautes ?
C’est la question posée à une brochette d’astronautes de plusieurs pays lors d’une table ronde au Congrès scientifique mondial sur l’Intelligence artificielle, tenue le 5 mai dernier au Campus MIL des sciences de l’Université de Montréal. On y retrouve notamment les astronautes David Saint-Jacques de l’Agence spatiale canadienne (ASC), Eileen Collins et Terry Virts de la NASA, et les vétérans Jean-François Clervoy (trois missions spatiales) de l’Agence spatiale européenne (ESA) et Julie Payette (deux missions spatiales), anciennement de l’ASC.
Chacun a partagé sa première expérience avec l’IA. Pour Jean-Francois Clervoy elle a pris la forme du visionnement du film fétiche 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Il invoque les connotations malheureuses du film où l’ordinateur de bord Hall 9000 décide de tuer les astronautes afin de ne pas compromettre une mission ultrasecrète dans les parages de Jupiter. Le célèbre astrophysicien Stephen Hawking avait déjà émis une opinion sur les dangers de l’IA dans des interactions machine-humain.
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L’astronaute français a donné un exemple de l’usage de l’IA au moment du décollage. Lors des premières 86 secondes du lancement d’une fusée vers l’espace, l’intervention humaine est proscrite considérant la rapidité et la complexité avec lesquels les instructions de vol sont acheminées aux appareils. Plusieurs fonctions sont automatiques, bien qu’en cas d’urgence, l’intervention humaine soit nécessaire pour sauver la vie des astronautes. L’IA réalise maintenant une bonne partie du travail auparavant exécuté par des adjoints techniques au sol.
L’utilisation de l’IA deviendra de plus en plus fréquente lors de longues missions spatiales de vaisseaux sans équipage (sondes dans l’espace profond) car il n’y a pas d’autre moyen de prendre une décision capitale et rapide. Eileen Collins et Julie Payette ont fait remarquer que l’IA peut traiter une énorme quantité de données sans intervention humaine. Rappelons seulement les avertissements répétés de l’ordinateur de bord, lors de l’alunissage du véhicule lunaire de la mission Apollo 11 alors qu’il était submergé de données et que les astronautes passaient tardivement en mode manuel. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, car un simple téléphone intelligent en 2022 peut traiter beaucoup plus d’information que l’ordinateur de la mission Apollo en 1969.
Cela dit, Jean-François Clervoy et David Saint-Jacques soulignent l’apport indispensable de l’humain. L’IA ne pourra remplacer les habiletés humaines et diversifiées des astronautes en mission. Aux dires de l’astronaute canadien, le sens pratique des astronautes est très développé dans la prise en charge d’un problème grave pendant une mission spatiale alors que c’est beaucoup moins le cas de l’IA.
Le perfectionnement de l’IA ne cesse d’évoluer. Julie Payette invoque la traduction de plus en plus précise de la voix à l’ordinateur et tous les astronautes mentionnent les avancés de l’IA permettant d’envisager sérieusement des missions humaines de très longues durées. Ils citeront en exemple les recherches menées sur le ralentissement des activités physiologiques des astronautes. Elles augurent de bonnes perspectives pour l’IA dans le contrôle des signes vitaux et de la sécurité des astronautes durant les périodes moins actives d’une future mission spatiale dans l’espace profond.
L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine spatial inspire donc confiance aux explorateurs modernes que sont les astronautes.