Imaginez un monde où un enfant se transforme en adulte sous le regard du pédophile ; un monde qui basculerait dans un autre dès l'enregistrement d'une réponse érectile à la hausse ; un monde où le patient reçoit des punitions virtuelles... L'utilisation de la technologie de réalité virtuelle ouvre la porte à des situations d'évaluation du risque et de traitement jusqu'ici impensables chez les délinquants sexuels.

« Les photographies d’enfants nus, utilisées jusqu'ici pour évoquer une excitation sexuelle chez les abuseurs d’enfants, posent des problèmes éthiques importants », explique Joanne-Lucine Rouleau, professeure de psychologie à l'université de Montréal. En tant que directrice du Centre d'étude et de recherche de l'université de Montréal (CÉRUM), Mme Rouleau travaille à la mise au point de méthodes d'évaluation et de traitement auprès des abuseurs sexuels considérés « à risque élevé ». Pour ce faire, elle s'est associée au professeur Patrice Renaud pour le développement de personnages virtuels présentant les caractéristiques sexuelles nécessaires.

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« Il y a autant de préférences sexuelles que d'individus sur la planète ! », souligne le Dr Renaud, membre de l’axe vie artificielle et arts robotiques d’Hexagram. « La réalité virtuelle offre une grande flexibilité et permet de développer des personnages présentant des caractéristiques raciales ou physiques qui s'adaptent aux préférences de chaque patient », ajoute le professeur Renaud. Il collabore ainsi avec Michel Fleury, professeur à l’École de design de l’UQAM et fondateur de la compagnie Darwindimensions, spin-off d'Hexagram, qui vise à la commercialisation d’une véritable agence d’acteurs virtuels.

« Pour créer ces acteurs virtuels, il a d'abord fallu créer des personnages statiques et les animer ensuite », explique Patrice Renaud. La banque de personnages virtuels statiques mis au point par les artistes-chercheurs est déjà bien complète et pourrait être utilisée très rapidement pour contrer le problème d'éthique lié aux photographies. « Il reste cependant à rendre la couleur et la texture des cheveux plus naturelles, souligne Dr Rouleau, puisque ce sont des critères importants chez les délinquants sexuels. »

Les recherches des professeurs Rouleau et Renaud vont au-delà de ces problèmes d'éthiques... et visent à valider une nouvelle méthode d'évaluation des préférences sexuelles qui se fonde sur l'utilisation de la réalité virtuelle et de la vidéo-oculographie, une technique permettant d'analyser les mouvements des yeux des patients. Les méthodes cliniques actuelles, qui mesurent l'afflux sanguin dans le pénis en réponse à un stimulus visuel, présentent des lacunes : est-ce que le patient observe réellement le stimulus visuel ? Combien de temps ? Quelle partie attire le plus son attention ? « Pour résoudre ce problème, nous avons développé un procédé innovant permettant de mettre en relation le regard du patient avec des objets 3D ! », explique M. Renaud. Cette technologie ouvre la voie à des possibilités d'évaluation de la préférence sexuelle et pourrait remplacer la mesure de l’afflux sanguin.

La technologie de vidéo-oculographie en complète immersion virtuelle pourrait aussi être utilisée à des fins de traitement des délinquants sexuels. L'objectif est d'associer des actes à des punitions ou, au contraire, à des renforcements virtuels. « Par exemple, une réponse érectile à la hausse à la vue d'un enfant virtuel, plongerait le patient dans un monde où il revivrait son arrestation, la perte de ses moyens financiers ou de ses proches », poursuit le docteur Renaud. D'un autre côté, les agresseurs d’enfants, « qui ont des problèmes de rapport sexuel avec les adultes tels que l’anxiété de performance », souligne la professeure Rouleau, doivent apprendre à gérer leur stress et être capables de maintenir une excitation sexuelle face à des stimuli sexuels adultes. Le Dr Renaud travaille ainsi avec un outil qui permet à deux topologies virtuelles de se fondre l'une dans l'autre et notamment, de transformer un enfant virtuel en adulte sous le regard du patient.

Le programme de recherche, reçoit des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'Institut des neurosciences, santé mentale et toxicomanie pour tester le protocole. « Compte-tenu des énormes implications que ces technologies pourraient avoir au niveau légal et éthique, l'horizon d'utilisation dépend du temps nécessaire à la validation des méthodes, mais aussi des moyens financiers pour se munir des équipements de complète immersion virtuelle ! », soulignent les chercheurs.

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