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«À l’instant où le parti républicain devient le parti anti-science, nous avons un gros problème», a déclaré un des candidats républicains à la présidence en prenant position, à la surprise générale, en faveur de la science. Aux États-Unis, le débat sur ces questions est devenu plus pourri que jamais. Mais certains voient dans cette déclaration la lumière au bout du tunnel.

Si jamais Jon Huntsman demeure le candidat marginal qu’il était auparavant, on ne pourra pas dire qu’il n’a pas essayé de se démarquer.

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Déjà que ses homologues avaient toujours pris soin de se distancer de la science du climat, le nouveau venu, le gouverneur du Texas Rick Perry, en a rajouté une couche en déclarant, le 17 août:

Le réchauffement climatique est une théorie «qui n’a pas encore été prouvée», menée par «un nombre substantiel de scientifiques qui ont manipulé leurs données... Je pense que nous voyons chaque semaine ou même chaque jour, des scientifiques qui questionnent l’idée que le réchauffement causé par l’homme est la cause des changements climatiques»;

Le lendemain, il lançait que l’évolution est elle aussi «une théorie» contenant «certains trous» et souhaitait que le créationnisme soit enseigné à l’école.

Quelques heures après cette dernière sortie, Jon Huntsman, ancien gouverneur de l’Utah, écrivait sur Twitter:

Soyons clairs. Je crois en l’évolution et je fais confiance aux scientifiques sur le réchauffement planétaire. Qualifiez-moi de fou.

Trois jours plus tard, le 21 août, à l’émission This Week, il allait beaucoup plus loin (sur la vidéo, aller à 5:30):

À l’instant où le parti républicain devient le parti anti-science, nous avons un gros problème... Lorsque nous prenons comme position que nous ne sommes pas prêts à accepter l’évolution, lorsque nous prenons une position qui va à l’encontre de ce que 98 climatologues sur 100 ont dit, ce que l’Académie nationale des sciences a dit... Je pense que nous nous retrouvons du mauvais côté de la science et du coup, dans une position perdante.

(...) Je ne me rappelle pas un moment de notre histoire où nous [le parti républicain] avons été désireux de fuir la science et de devenir un parti qui soit l’antithèse de la science. Je ne suis pas sûr que ce soit bon pour notre futur.

(...) Nous élevons nos jeunes, nous leur disons d’avoir une bonne éducation et leur disons d’avancer pour résoudre les grands défis d’aujourd’hui, trouver un remède au cancer, faire du monde un meilleur endroit. Et lorsque nous recevons les résultats, nous sommes prêts à les rejeter et les fuir?

Bien d’autres personnes, dans les médias et les universités, avaient dit avant Jon Huntsman combien une telle attitude anti-science pouvait être désastreuse, non pas seulement pour un parti politique qui s’en fait le porte-voix, mais pour un pays qui aspire à demeurer un leader mondial. Mais ces inquiets n’ont pas eu beaucoup d’occasions d’être rassurés ces dernières années. Au Canada non plus, la science du climat n’a pas la cote parmi les partis politiques. Et en Australie, la dégradation du débat ressemble aux États-Unis: des scientifiques qui reçoivent injures et menaces de mort, et des politiciens de droite qui sombrent dans la démagogie.

Là où, sous George W. Bush, parler de «guerre à la science» signifiait que la Maison-Blanche modifiait des rapports scientifiques afin de les rendre plus conformes à son idéologie, aujourd’hui, parler de «guerre à la science» veut dire des campagnes de manipulation de l’information, des attaques contre la personnalité des experts plutôt que leurs arguments, et une rhétorique guerrière où la théorie du complot n’est jamais loin.

On ne conteste plus juste la science: on conteste la réalité —que ce soit en prétendant que le plafond de la dette américaine n’aurait aucun impact sur l’économie ou, au Canada, en prétendant que le refus de répondre au recensement aurait pu conduire en prison.

Sur quoi s'appuie une guerre à la réalité? Le premier reportage en profondeur sur l’autre chef de file des candidats républicains, Michele Bachmann, paru le 15 août dans le New Yorker , en donne une idée. On savait la candidate très religieuse: on y apprend à présent qu’un de ses mentors, l’évangéliste Francis Schaeffer, critique violemment ces «dérives» du christianisme que furent... la Renaissance et l’époque dite des Lumières.

Autrement dit, la pensée rationnelle, c’est dangereux.

C’est pourquoi il y a espoir d’un retour du balancier si, à l’intérieur même du parti identifié à cette façon de penser, une voix s’insurge. Ça ne fera pas de Jon Huntsman un futur président, il a même peu de chances d’être choisi par son parti. Mais ça élève le débat un petit peu au-dessus des bas-fonds vers lesquels il descendait.

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