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Il passe loin, très loin derrière les printemps arabe et érable, mais il témoigne de la même volonté de révolution, à la plus petite échelle des chercheurs. Une révolution où la morale passerait avant les profits.

 

Il y a 15 ans que des chercheurs d’un peu partout parlent d’accès libre à la recherche, d’open access, de recherches accessibles à tous: c’est-à-dire cette idée qu’à l’heure d’Internet, les recherches financées par les gouvernements ne devraient plus être publiées exclusivement derrière les murs payants des revues savantes. Tout au long des années 2000, l’idée a gagné en crédibilité parce qu’elle accumulait des appuis —des scientifiques, des universités, des organismes subventionnaires. Mais les éditeurs des revues savantes, dont les coûts d’abonnement constituent le pain et le beurre, résistent, avec l’appui tacite des gouvernements.

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Cet appui commence-t-il à s’effriter? La dernière salve arrive du gouvernement britannique: un comité créé à sa demande l’an dernier, dirigé par la sociologue Janet Finch, vient non seulement de conclure en faveur de l’accès libre, mais recommande des modèles économiques, en plus d’en faire une question morale.

 

Les barrières à l’accès —particulièrement lorsque la recherche est financée par les fonds publics— sont de moins en moins acceptables dans un monde numérique: parce que de telles barrières restreignent l’innovation, la croissance et autres bénéfices qui peuvent découler de la recherche.

 

Les arguments du rapport Finch, publié le 19 juin, n’ont rien d’inédit pour qui suit ce dossier depuis 15 ans: on y rappelle par exemple que dans le modèle payant actuel, un citoyen, scientifique ou non, paie deux fois pour avoir accès à une recherche universitaire. Une première fois, si cette recherche a été financée par ses propres impôts; et une deuxième, si l’université, elle aussi payée par ses impôts, doit payer l’abonnement à la revue savante.

L’élément nouveau, c’est que le gouvernement britannique dispose à présent d’un prétexte, ce Rapport Finch, pour peser de tout son poids sur l’accès libre, en exigeant que toute recherche financée par les fonds publics soit accessible à tous, et gratuitement.

Un effort en ce sens a été entamé aux États-Unis en 2005, par l’intermédiaire de l’organisme subventionnaire NIH, qui a imposé une publication en accès libre dans les 12 mois suivant la publication initiale, mais le succès de cette politique reste mitigé. La Commission européenne en a fait une de ses priorités à l’horizon 2020. Enfin, depuis janvier 2012, une pétition en appelant à un boycott du plus gros des éditeurs scientifiques du monde, Elsevier, a récolté plus de 12 000 signatures.

Pour l’instant, souligne le rapport Finch, les revues en «accès libre» comme Public Library of Science, en dépit de leur succès d’estime, ne représentent que 12% des articles scientifiques, et en terme de prestige, elles n’arrivent pas à la cheville des Nature et autres Science. En vertu du principal modèle économique proposé, les éditeurs de ces revues payantes ne seraient pas acculés à la faillite, puisque ce seraient les auteurs —ou plutôt les institutions— qui paieraient ces revues pour qu’elles rendent leurs articles accessibles.

Sauf que cette facture, pour les organismes subventionnaires européens, se calculerait en centaines de millions de dollars supplémentaires, et les plus virulents défenseurs de l’accès libre, à la lecture du rapport Finch, se sont empressé de rappeler les énormes profits amassés par Elsevier: plus d’un milliard de dollars en 2011, sur des revenus de 3 milliards, ou 37% de profit —une industrie qui, dans la plupart des secteurs de l'économie, serait jugée plus que lucrative.

 

 

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