Dans le cadre du congrès sur l’agriculture de l’Université Oxford, le 3 janvier, il a commencé son discours ainsi :
Je veux commencer par des excuses. Ici et publiquement, je m’excuse pour avoir passé tant années à arracher des plants d’OGM. Je suis également désolé d’avoir aidé à lancer le mouvement anti-OGM au milieu des années 1990, et d’avoir du coup contribué à diaboliser une option technologique importante qui pourrait être bénéfique à l’environnement.
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Son texte est devenu viral —25 000 lectures dans les 36 premières heures— et son argument central n’a pas fini d’être débattu : dès le 3e paragraphe, Mark Lynas explique en effet que ce qui l’a fait changer d’avis, c’est lorsqu’il a finalement commencé à lire... sur la science.
Lorsque j’ai pour la première fois entendu parler du soja génétiquement modifié de Monsanto, je savais exactement ce que je pensais. On avait là une grosse compagnie américaine avec un passé douteux, plaçant dans nos champs quelque chose d’inédit et d’expérimental sans nous prévenir... Ces gènes se répandraient comme une sorte de pollution vivante. C’était un cauchemar.
(...) Ce fut la campagne la plus réussie de toutes celles auxquelles j’ai participé. Ce fut aussi, explicitement, un mouvement anti-science. Nous avons utilisé beaucoup d’images de scientifiques démoniaques, jonglant avec les briques mêmes de la vie. D’où l’étiquette d’aliments Frankenstein [Frankenfood].
(...) À mes yeux, cet environnementalisme anti-science est devenu de plus en plus en contradiction avec mon environnementalisme pro-science sur la question du climat. J’ai publié mon premier livre sur le réchauffement climatique en 2004, et j’avais la ferme intention d’en faire un livre scientifiquement crédible, plutôt qu’une suite d’anecdotes... Cela signifiait que j’avais à apprendre à lire des études scientifiques, comprendre les bases de la statistique et accroître mes connaissances dans différents domaines, de l’océanographie à la paléoclimatologie.
Qualifiée par le journaliste et blogueur Keith Kloor du «plus gros mea culpa» de l’histoire du mouvement environnemental, la déclaration de Mark Lynas n’est pourtant pas si inattendue. Il y a quelques années qu’il était engagé sur ce chemin de Damas et certains l’avaient noté lors de la parution de son troisième livre, The God Species , en 2011 où, dans une perspective de développement durable, il se montrait beaucoup plus ouvert aux OGM —et même au nucléaire.
Mais surtout, il n’est pas aussi isolé que certains observateurs le croient : c’est une frange du mouvement environnemental qui réclame une «modernisation» du discours depuis plusieurs années. Pour des auteurs comme Emma Marris, Peter Kareiva ou Keith Kloor, il faut « élargir notre définition de la nature ». Il s’agit là d’une allusion au fait qu’à leurs yeux, le discours écologiste serait resté prisonnier d’une « idéalisation de la nature », face à laquelle l’humain ne serait qu’une sorte de virus malsain.
Moderniser le discours, c’était aussi l’argument, dès 2005, de deux vedettes du mouvement, Ted Nordhaus et Michael Shellenberger dans un texte alors très commenté, «The Death of Environmentalism».
En attendant, le discours de Mark Lynas a généré dans les réseaux sociaux quantité de réactions positives, accompagnées de quelques critiques qui trouvent qu’il a trop tardé : « j’en suis bouche-bée, écrit l’anthropologue John Hawks. Voici quelqu’un qui n’avait jamais lu une étude scientifique sur le sujet, et dont les déclarations d’ignorance étaient imprimées à grande échelle par les médias. »
Mais du côté des mouvements anti-OGM qu’il critique, peu de gens, cinq jours plus tard, avaient réagi, à l’exception de Vandana Shiva, une militante environnementale indienne —une des 100 femmes les plus importantes du monde, selon The Guardian — qui a écrit le 5 janvier sur Twitter :
Mark Lynas qui dit que les fermiers devraient être libres de faire pousser des OGM qui peuvent contaminer des fermes biologiques, c’est comme de dire que les violeurs devraient avoir la liberté de violer.
Sa remarque ne lui a pas valu de commentaires positifs.