La présence de Shell en pays Ogoni, une région du Sud-Est du Nigéria, remonte aux années 1960 et à la découverte d'abondantes sources de pétrole dans cette partie de l'Afrique. La découverte est immédiatement exploitée car le pétrole présente l'avantage d'être très facile à raffiner.
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Mais rapidement, les populations locales en font les frais. L'or noir coule à flot sur les terres et dans les cours d'eau, au point que le documentaire Delta du Niger: la guerre du brut parle d'un Exxon-Valdez par an dans cette région. Des organisations comme le MOSOP (Movement for the Survival of the Ogoni People) sont fondées pour dénoncer les dégradations de l'industrie pétrolière sur les terres ogonies. De son côté, Shell conteste toute responsabilité dans les fuites de pétrole, rejetant la faute sur les trafiquants de pétrole qui piratent ses oléoducs.
L'année 2011 est un tournant pour les habitants de la région. En août, après une étude détaillée, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement lance un appel à la création d'un fonds d'aide car «la restauration environnementale du pays Ogoni pourrait s'avérer être l'exercice de nettoyage le plus étendu et le plus long jamais entrepris». Quelques jours plus tôt, Shell avait reconnu sa responsabilité dans deux marées noires et s'était engagée à nettoyer.
Mais l'histoire ne s’arrête pas là. En septembre 2012, Shell est accusée d'avoir pratiqué «un nettoyage d'amateurs». En octobre, s'est ouvert le procès des cinq agriculteurs contre Shell à La Haye (Pays-Bas), qui a abouti à cette sentence mitigée, le 30 janvier. Ce printemps, la Cour suprême américaine doit rendre son verdict dans l'affaire qui oppose Shell à Esther Kiobel, une nigériane qui accuse la compagnie de complicité pour des meurtres et actes de torture. Et l'année prochaine, un procès doit s'ouvrir à Londres pour faire la lumière sur les responsabilités de Shell dans l'écoulement de 500 000 barils de pétrole en 2008 à Bodo.
Le spectateur peut se demander pourquoi aucune de ces initiatives ne vient d'une institution nigériane. Un élément de réponse est peut-être fourni par l'organisation Transparency International qui classe le Nigéria parmi les pays les plus corrompus. Prince Chima Williams, directeur du département des affaires juridiques du groupe Environmental Rights Action, fournit également au Guardian une autre explication: «Shell est une société très têtue, et au Nigéria, dans certaines situations, il est plus puissant que le gouvernement nigérian».
— Florent Lacaille-Albiges