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Transporter le pétrole par pipeline ou par chemin de fer? Prétendre que l’un est moins dangereux que l’autre est hasardeux. Et autant les promoteurs que les environnementalistes risquent d’être déçus.

Alors que des promoteurs des pipelines profitent déjà de la tragédie de Lac-Mégantic pour affirmer que les pipelines, eux, ne tuent pas des gens, et alors que les environnementalistes s’attendent à ce que cette tragédie soit l’occasion de «sortir du pétrole», d’autres rappellent un fait récent: la catastrophe de la plateforme pétrolière Deep Water Horizon, en 2010, dans le Golfe du Mexique. Elle n’a pas eu le type d’impact qu’espéraient les uns et les autres.

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À part une prise de conscience, écrit Andrew Leach, économiste de l’environnement à l’Université de l’Alberta. La marée noire du Golfe du Mexique, en effet, n’a pas conduit à l’arrêt des exploitations pétrolières en mer —comme le souhaitaient les environnementalistes— pas plus qu’elle n’a profité à des industries plus «sécuritaires» —comme le souhaitaient à ce moment les promoteurs des sables bitumineux canadiens.

Mais le Golfe du Mexique a transformé le débat, de la même façon que Lac-Mégantic pourrait le transformer, écrit Leach:

1) une prise de conscience accrue des dangers inhérents au transport du pétrole... 2) davantage d’appels à des alternatives au pétrole plutôt qu’à des alternatives aux moyens de transporter le pétrole; et 3) moins de confiance envers la capacité des réglementations et des firmes à atténuer les risques du transport du pétrole.

Aussi forte soit-elle, une prise de conscience ne peut pas mettre fin à l’exploitation pétrolière du jour au lendemain, parce que nos sociétés sont trop gourmandes en pétrole, rappelle le journaliste environnemental Andrew Revkin: aussi longtemps que nous dépendons à ce point du pétrole, nous «possédons» tous une portion de chaque désastre.

Mais une prise de conscience représente un pas dans la bonne direction, poursuit Andrew Leach. Dans le cas du Golfe du Mexique, elle a conduit à «davantage de règlementations» pour réduire les risques d’accident: «pas autant que certains l’auraient voulu», mais déjà plus que ce qu’auraient souhaité les compagnies. Un autre impact a été une réduction des investissements dans l’industrie américaine de l’exploitation pétrolière en mer. Des investissements qui n’ont pu faire autrement que d’être «déplacés ailleurs» —vers des énergies plus vertes ou des méthodes moins dangereuses. La catastrophe de Lac-Mégantic aura-t-elle «un impact négatif» comparable sur l'industrie pétrolière?

Pipeline contre chemin de fer : combien?

En attendant, une autre raison pour laquelle les pipelines n’en profiteront pas nécessairement, c'est que ce que leurs promoteurs prétendent être un simple calcul s’avère un casse-tête.

Pourquoi ces différences? Parce que tout dépend de ce qu’on calcule. Un pipeline fuit beaucoup plus souvent qu’un wagon-citerne: 62 400 litres par milliard de tonne/kilomètre répandus par des pipelines contre 19 400 pour les trains (entre 2005 et 2009, aux États-Unis) selon l’Institut Manhattan.

Par contre, si on ne prend en compte que les «accidents sérieux» —définition: qui entraîne une hospitalisation ou un mort, ou des dégâts de plus de 50 000$— le pipeline est préférable au train. À un détail près que note le journaliste Jean-François Cliche dans le rapport de l’Administration américaine: sur les 12 morts causés par des accidents de pipeline entre 2005 et 2009, neuf étaient des employés tandis que sur les 12 morts causés par le train, 10 étaient... de simples citoyens.

Par ailleurs, il a été suggéré que beaucoup de fuites de pipelines ont pu passer inaperçues, parce que survenant loin de régions habitées.

Au final, les chiffres les plus significatifs sont ailleurs: entre 2008 et 2012, en partie à cause du boum pétrolier du Dakota du Nord, le transport du pétrole par train a été multiplié par 25 en Amérique du Nord. Cela signifie que si on interrompt le transport par rail, il faudra, dans l'immédiat, un ou de nouveaux pipelines. Même avec un nouveau pipeline, il est peu probable qu'on puisse interrompre tout de suite le transport par rail. Parce que cette quantité énorme de pétrole supplémentaire, il y a tout de même bien quelqu'un qui l’achète...

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