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D'un côté, une épidémie ayant fait jusqu'à maintenant des centaines de victimes sur son passage. De l'autre, un médicament expérimental, non testé sur des humains, mais dont les résultats sont prometteurs chez les singes.

Sur la table, une question sur laquelle doit se pencher cette semaine l'Organisation mondiale de la santé (OMS): peut-on autoriser l'administration d'un médicament expérimental en temps de crise?

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Les États-Unis interdisent généralement l’administration d’un médicament non autorisé par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux. Mais en raison de la gravité de leur état de santé, deux travailleurs américains infectés par le virus Ebola ont pu se prévaloir d’un sérum antiviral, le ZMapp.

Cette décision a cependant soulevé l’indignation de nombreux experts dont celle de Peter Piot, codécouvreur du virus Ebola en 1976, qui a déclaré: «Cette épidémie va durer sans doute plusieurs mois. Si elle se déroulait en Europe, le débat sur l’usage “compassionnel” de traitements n’ayant pas encore été complètement validé aurait déjà été ouvert. Nous y avons eu recours par le passé. C’est maintenant qu’il faut faire bouger les choses et autoriser les traitements expérimentaux en Afrique.»

Le lendemain de ce plaidoyer, l'OMS annonçait qu’elle réunirait des experts en éthique médicale pour définir les règles morales s’appliquant à une éventuelle distribution de médicaments expérimentaux en Afrique. Marie-Paule Kieny, sous-directrice générale de l'organisation, explique pourquoi le recours à des éthiciens s’impose: «Nous sommes dans une situation inhabituelle en ce qui concerne cette épidémie. Nous avons une maladie avec un taux très élevé de mortalité sans traitement ou vaccin ayant fait leur preuve.»

Mais l’idée de tester des médicaments expérimentaux pour contrer l’épidémie d’Ebola, sévissant présentement en Afrique de l'Ouest, est loin de faire l’unanimité.

D’abord, certains intervenants s’interrogent sur leur efficacité. Ainsi, bien que les médias aient rapporté une nette amélioration de l’état des deux Américains traités au ZMapp, rien ne prouve que cette rémission soit due au sérum.

D’autres allèguent que n’ayant pas subi les essais cliniques nécessaires à son approbation, ce médicament risque de provoquer de graves effets secondaires. Dans le cas des Américains, on peut supposer que leur formation médicale leur a permis de donner un consentement informé au traitement, mais en est-il de même des populations africaines touchées?

L’expérimentation humaine —question délicate s’il en est une— doit être encadrée par des principes éthiques stricts pour éviter que se reproduisent des scandales comme celui de l'étude de Tuskegee sur la syphilis, au cours de laquelle les participants, des sujets afro-américains pauvres, se sont vus refuser le traitement contre cette maladie.

Et tant que les médicaments expérimentaux ne seront pas disponibles en quantité suffisante, comment déterminer quels individus bénéficieront en priorité de ces coûteux traitements? Peter Piot a son opinion sur la question: «Le médicament devrait être fourni gratuitement aux Africains, car il n'y a pas de marché solvable et les prochaines flambées épidémiques d'Ebola auront encore lieu dans des pays pauvres.»

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