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Le bacon et les autres viandes transformées sont donc à classer parmi les agents «cancérogènes certains» et la viande rouge, parmi les cancérogènes «probables». Dossier clos? Pas tout à fait. Le plutonium est dans la même liste que le bacon, ce qui n'éclaire pas beaucoup les carnivores.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) serait-elle nulle en communications?

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C’est la question qui n’a pas tardé à circuler lundi lorsque, aux premiers reportages faisant état de cette nouvelle classification, des blogueurs et des journalistes ont rapidement greffé le fait que la liste du Centre international de recherche sur le cancer —une branche de l’OMS— compte 478 produits répartis en seulement quatre catégories: lien certain avec le cancer, lien «probable», lien «possible», et «non classifié» (faute d’un nombre suffisant d’études).

Aucune autre distinction n’est faite quant aux doses dangereuses. C’est la raison pour laquelle, parmi les cancérigènes «probables», l’acrylamide, un sous-produit du café, côtoie les rayons ultraviolets —et, à présent, la viande rouge. Et que parmi les «certains», le plutonium côtoie l’amiante, le tabac, l’arsenic —et à présent, la viande transformée.

Les mêmes difficultés à vulgariser avaient suivi l’arrivée du téléphone cellulaire sur la liste des cancérigènes «possibles» en 2011.

Etre sur la liste des cancérigènes certains signifie tout de même que c’est plus dangereux?

Oui, mais si on met côte à côte plutonium et charcuterie, toute la question est de savoir ce que veut dire «plus dangereux». L’étude, parue le 26 octobre dans The Lancet Oncology , répond à cette question sans y répondre. On y lit que

Chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18%.

L’information manquante est: 18% par rapport à quoi? La réponse est à chercher ailleurs: dans la plupart des pays industrialisés, la fréquence du cancer colorectal est d’environ 50 par 100 000 habitants. Une diminution de 18% signifierait donc qu’on passerait à 42 cas par 100 000 habitants.

Il y a donc bel et bien un lien avéré, un lien «certain», entre viande transformée et cancer. Mais il est à prendre avec des pincettes. Surtout quand on le compare avec le tabac, lui aussi dans la catégorie des liens «certains»: selon des statistiques britanniques, 20 fumeurs sur 100 auront un cancer du poumon... contre un non-fumeur sur 100.

Et qu’en est-il des cancérigènes «probables» et «possibles»?

Si ces nuances semblent obscures, ce n’est rien à côté de la confusion qui règne avec les «cancérigènes probables» et «possibles». Cette dernière catégorie a souvent été qualifiée de fourre-tout: depuis les années 1970, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a évalué 984 agents —incluant des substances chimiques et... des métiers. De ce nombre, un seul a été classé dans la catégorie «lien improbable», une substance appelée caprolactame. Tous ceux pour lesquels subsiste un doute, aussi minuscule soit-il, sont balayés dans la cour des cancérigènes «possibles». Parmi eux, le talc, le chloroforme, l’essence et... le métier de pompier.

Pour la charcuterie et les viandes rouges, est-ce un scoop?

Non. Cette étude est une méta-analyse: les chercheurs du CIRC ont passé en revue plus de 800 études parues depuis 30 ans autour des viandes transformées. Déjà, dès 2011, une autre revue de la littérature existante mentionnait une augmentation du risque de 17%. Le Time et le New Scientist font remonter les premiers signaux d’alarme aux années 1970.

Faut-il devenir végétarien pour réduire les risques?

Non, et même les auteurs de l’étude parue lundi rejettent cette idée. Parce que le risque réel est, statistiquement, si faible, cesser toute consommation de viande pourrait faire plus de mal que de bien si on n’y prend pas garde —car contrairement à la croyance populaire, les végétariens n’ont pas nécessairement une alimentation équilibrée.

Comme le disaient les nutritionnistes bien avant cette étude, réduire sa consommation de viande est une chose souhaitable; l’éliminer complètement dépend de la quantité de protéines, de fer et de vitamines B qu’on mettra en lieu et place dans son assiette.

Cette nouvelle classification peut-elle servir à établir la quantité idéale de portions de viande par semaine?

Non. À la recherche de cette réponse, des journalistes spécialisés en santé établissaient lundi un parallèle avec l’alcool : si les médecins semblent s’entendre depuis longtemps sur une consommation d’un verre par jour, ce n’est pas de sitôt qu’on verra émerger un consensus similaire sur la viande. Le poids d’une personne, sa taille, son sexe, son activité physique, le reste de son alimentation et peut-être ses gènes, entrent tous en ligne de compte. Le Fonds mondial de recherche sur le cancer avance le chiffre de 500 grammes de viande rouge par semaine et peu de viande transformée —mais la Société américaine du cancer refusait de s’avancer sur un chiffre.

Qu’en dit l’industrie de la viande?

Elle n’est pas contente. Et les définitions floues du CIRC lui donneront matière à critiquer.

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