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L’Université de Calgary s’était pliée en 2012 aux volontés de la pétrolière Enbridge afin de maintenir de bonnes relations avec elle, a révélé lundi une enquête de Radio-Canada. Ce n’est toutefois pas la première fois que cette université se retrouve en eaux troubles pour des accointances controversées avec le pétrole.

C’est ainsi qu’en 2004, des fonds destinés à de soi-disant recherches scientifiques avaient plutôt servi à une campagne de relations publiques visant à semer le doute sur les changements climatiques.

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Le généreux donateur était alors l’organisme climatosceptique Friends of Science (FoS), celui-là même qui a fait parler de lui l’an dernier au Québec pour des panneaux publicitaires. En 2004, il avait versé 507 975$ à l’Université de Calgary. Ce demi-million avait payé les déplacements de conférenciers niant la réalité du réchauffement, l’achat de publicité et l’organisation d’activités dont une à Montréal en décembre 2005, au moment où s’y tenait la conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques (COP). Ces efforts avaient tous pour caractéristique de dénoncer les politiques environnementales du gouvernement libéral de l’époque.

Relations publiques ou recherches?

Or, ce dilemme entre relations publiques et recherche scientifique est également au coeur de la controverse mise à jour lundi par Radio-Canada. En mars 2012, l’École de commerce de l’Université de Calgary inaugurait le Centre de recherche Enbridge sur le développement durable. La pétrolière s’engageait à verser 2,25 millions de dollars sur 10 ans. Selon l’analyse de 1600 pages de courriels, Enbridge voulait contrôler les nominations au conseil d’administration et les bourses aux étudiants, mais aussi établir un partenariat avec l’Université Central Michigan —un geste que certains professeurs ont perçu comme une opération de relations publiques liée au déversement de plus de 3 millions de litres de pétrole survenu au Michigan deux ans plus tôt. Le déversement catastrophique, qui a contaminé 60 km de la rivière Kalamazoo, provenait d’un pipeline d’Enbridge.

La rectrice de l’Université de Calgary, Elizabeth Cannon, qui appuyait l’investissement en 2012, est également pointée du doigt cette semaine parce qu’elle siégeait en même temps —et siège toujours— au conseil d’administration d’une branche financière d’Enbridge.

En mai dernier, Enbridge en est arrivée à un accord avec l’État du Michigan par lequel elle versera plus de 100 millions en compensations, restaurations de sites naturels, nettoyages et frais judiciaires.

L’Université de Calgary a réagi lundi au reportage de Radio-Canada en soulignant qu’aucun professeur n’avait déposé de plainte formelle quant à sa liberté académique. Depuis 2012, le nom d’Enbridge a été retiré du centre de recherche et son don, réduit de moitié.

Friends of Science à l’université

Retour en arrière. En 2004, le destinataire du demi-million de dollars de Friends of Science (FoS) pour ces soi-disant recherches sur le climat à l'Université de Calgary était le professeur Barry Cooper, qui n’était pas climatologue, mais politologue. Celui-ci, récipiendaire de plusieurs prix, serait décrit plus tard par le blogue canadien DesmogBlog comme un «confident» du nouveau premier ministre Stephen Harper. Lorsque les médias révéleraient l'usage qui avait été fait de ce demi-million, Cooper se retrouverait associé pour la deuxième fois à Friends of Science.

Il faut savoir que cet organisme avait été créé en 2002, officiellement par un groupe de géologues choqués de l’appui du Canada au Protocole de Kyoto —le traité international sur la réduction des gaz à effet de serre, dont le gouvernement Harper allait par la suite se retirer. Des membres de la Société canadienne des géologues du pétrole sont derrière la création et la première réunion de FoS, à Calgary en 2002. Pour l’un de ses fondateurs, le géologue albertain à la retraite Albert Jacobs, le Protocole de Kyoto était un outil des fonctionnaires des Nations Unies pour pousser la planète vers un gouvernement socialiste sous l’égide des Nations Unies.

Le mystère qui subsiste toutefois, aujourd’hui encore, est celui des mécènes qui sont derrière Friends of Science. Bien qu’il ait souvent été soupçonné d’être soutenu par l’industrie pétrolière, il est demeuré discret sur ses fonds. Or, des recherches de DeSmogBlog et du journaliste Charles Montgomery dans le Globe and Mail en août 2006 ont mis à jour un lien qui s’est révélé être une autre source d’embarras pour l’Université de Calgary: Friends of Science a reçu à l’époque d’importantes sommes de donateurs de l’industrie pétrolière, qui ont transité par un Fonds pour l’enseignement des sciences (Science Education Fund) logé à l’Université de Calgary. Ce fonds avait été créé par Barry Cooper.

Dans les mots du journaliste Charles Montgomery:

Les donateurs étaient encouragés à verser au Fonds par l’intermédiaire de la Fondation Calgary, qui administre les dons de charité dans la région de Calgary, et a pour politique de préserver l’anonymat des donateurs. Le Science Education Fund, en retour, donne de l’argent à Friends of Science... Au cours des deux dernières années [2004-2006], le Science Education Fund a reçu plus de 200 000$ en dons de charité à travers la Fondation Calgary. Pourtant, la directrice du marketing de la Fondation, Kerry Longpré, disait en juin n’avoir jamais entendu parler de Friends of Science. La Fondation, dit-elle, ne fait affaire qu’avec l’université, qui administre les dons comme elle l’entend.

Les gens qui tournent autour de FoS ont apparemment vu dans l’élection du premier gouvernement Harper, en janvier 2006, une opportunité. En avril 2006, une lettre ouverte publiée par plusieurs journaux canadiens, dont le Financial Post, exhortait le nouveau premier ministre à tenir des consultations publiques afin de rejeter le Protocole de Kyoto. La lettre était signée par «60 experts du climat et de disciplines connexes». Il se trouve que seulement un tiers de ces «experts» étaient Canadiens, dont des économistes, des géologues et un journaliste. Un des signataires de la lettre, le mathématicien de l’Université de l’Alberta Gordon Swaters, a par la suite déclaré qu’il ne l’endossait pas. Le président et le «conseil consultatif» au complet de Friends of Science étaient parmi les signataires.

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