placebo

C’est une idée étrange, mais qui méritait d’être vérifiée : l’effet placébo persiste-t-il durant le sommeil ? Des chercheurs de l’Université de Montréal ont découvert que suggérer à une personne qu’elle sera soulagée a un effet à long terme qui fonctionne même en dormant.

Cette étude expérimentale, menée auprès de neuf personnes en santé, a confirmé aux chercheurs que l’effet placébo réduit la sensation de douleur même durant le sommeil. « Elles ont mieux dormi et ont été moins anxieuses, en comparaison à celles à qui nous n’avions rien dit », confirme Pierre Rainville, chercheur à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal et coauteur de l’étude.

Dans cette expérience, des chercheurs ont observé comment les participants réagissaient à la douleur (une stimulation thermique) après leur avoir affirmé qu’ils testaient une crème aux vertus analgésiques et avoir appliqué ladite crème sur leur bras. Le lendemain matin, ils ont questionné les participants sur la douleur ressentie durant leur sommeil.

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Les participants, sur lesquels les chercheurs avaient appliqué cette fausse crème analgésique, ont rapporté moins de douleur, d’anxiété et de troubles du sommeil que le groupe de contrôle. Cet effet « placébo » a de plus eu un effet sur le cerveau qui a montré 10 % de moins de stimulation durant les phases de sommeil paradoxal, attribuées aux rêves.

Cet effet n’aurait cependant pas été aussi efficace lors du sommeil profond, les chercheurs ayant constaté plus de microréveils cérébraux chez les participants, annulant du coup cet effet.

« Ce que les participants nous ont dit a été tout à fait cohérent avec ce que nous avons observé au niveau du cerveau. Les attentes face au traitement ont un effet tout à fait réel, même lorsqu’ils dormaient », ajoute le chercheur.

L’application d’une crème — ou l’ingestion d’un « médicament » —, même sans effets probants répond donc aux attentes des participants et au conditionnement préalable. Le chercheur met d’ailleurs l’emphase sur le conditionnement des sujets, la clé du bon fonctionnement de l’expérience. « Ce qu’on leur dit va aller dans le sens de leur histoire thérapeutique : “je me soigne et donc, je vais mieux”. Et même si le médicament en question ne contient que du sucre ou n’est que de la crème hydratante », explique M. Rainville. Ce conditionnement pourrait en partie expliquer l’engouement pour des traitements alternatifs sans effets probants, tels que l’homéopathie.

Par ailleurs, un sondage réalisé auprès de médecins américains révèle que près de la moitié d’entre eux (46 %) prescrivent à l’occasion des traitements à l’effet placébo, tels que des vitamines ou des pilules de sucre. Seulement un médecin sur six (18,5 %) mentionnerait ce recours au placebo à leurs patients. « L’effet sera moins en effet grand lorsque l’on mentionne au patient qu’il s’agit d’un placébo. Pourtant, cet effet pourrait faire partie d’un traitement actif et être utilisé conjointement avec un médicament », estime le chercheur.

Si l’effet s’avère moins grand, les chercheurs constatent aussi un certain effet aux « fausses pilules » auprès de survivants de cancer atteints de fatigue — ce qu’avaient déjà observé les chercheurs de l’Université d’Harvard auprès de patients atteints du syndrome de l’intestin irritable.

L’arrivée de ces traitements placébo librement consenti (« Open Label Placebo ») pose toutefois des questions éthiques et thérapeutiques autour de la prescription de certains traitements aux fausses vertus — on pense à l’homéopathie — qui trouverait ici une légitimation inattendue comme traitement.

Un effet persistant

L’effet placébo dont on attend les bénéfices sur la douleur a un réel impact. « C’est un effet très puissant et cette étude vient encore nous le prouver », soutient Luana Colloca de l’École d’infirmière de l’Université du Maryland. Cette jeune chercheuse étudie dans son propre laboratoire les mécanismes comportementaux et neuronaux de l’analgésie placébo et les facteurs qui affectent la douleur.

Selon elle, cette étude est inspirante, en dépit du faible nombre de participants. « C’est une petite étude, mais bien contrôlée. C’est sûr que le petit échantillon constitue une limite tout comme le fait que les participants soient tous en santé et sans douleur chronique, mais cela démontre combien nous en savons peu sur la gestion de la douleur par le cerveau. C’est un phénomène complexe. Plus d’informations et plus d’études sont nécessaires pour mieux le comprendre », conclut-elle.

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