La grande question qui reste en suspens depuis le début de la pandémie : comment la maladie parvient-elle à tuer un si grand nombre de personnes. Un élément d’information crucial manque aux chercheurs : les autopsies.
Les hôpitaux surchargés et les mesures de confinement ont en effet entravé les efforts de prélèvements de tissus chez les patients décédés. Le ralentissement des autopsies est un grave problème, souligne la revue Nature.
Déjà, dans des conditions normales, les autopsies constituent un travail minutieux; lors d’une épidémie, le risque d’infection exige des précautions supplémentaires. Jusqu’au partage des échantillons entre collègues d’autres institutions qui s’avère hasardeux, en raison de la difficulté à obtenir les signatures nécessaires pour transférer du matériel potentiellement infectieux.
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Et tout ce travail tarde, en raison de la disponibilité des hôpitaux dédiés prioritairement au soin des malades mais aussi en raison d’un manque d’équipements et d’équipes en charge de prélever les échantillons de tissus dont les pathologistes ont besoin.
On sait que la Covid-19 s’attaque principalement aux poumons du patient mais que, dans les cas les plus graves, elle a aussi un impact sur le coeur, les reins et le cerveau. « Est-ce une pneumonie? Des caillots sanguins? Pourquoi développent-ils une insuffisance rénale? Nous n’en avons aucune idée», résume le pathologiste Roberto Salgado, des hôpitaux GZA-ZNA d’Anvers, en Belgique.
Les mesures d’isolement et de confinement compliquent encore les choses. Les patients gravement atteints sont inconscients et la famille ne peut les visiter. Il s’avère alors difficile d’obtenir le consentement éclairé nécessaire pour fins de recherche.
Certains centres usent d’imagination pour parvenir à recueillir les échantillons de tissus nécessaires : la pathologiste Marisa Dolhnikoff, de l’Université de São Paulo, procède à des biopsies de divers endroits du corps. Son équipe a analysé des dizaines d’échantillons provenant des poumons, du cœur, des reins, du foie, de la rate, de la peau et du cerveau et tente de comprendre pourquoi les caillots sanguins sont courants chez les personnes atteintes de COVID-191 sévère.
De son côté, le pathologiste Peter Boor de l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle en Allemagne, tente d’élaborer une base de données des autopsies pour que les chercheurs puissent partager leurs données internationalement. Cela pose un défi logistique, même à l’échelle de l’Allemagne, où les régions n’ont pas les mêmes législations sur le partage de ce type d’information.
En collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé, dont le Centre international de recherche sur le cancer possède une base de données sur les pathologies tumorales, certains chercheurs s’attèlent actuellement au défi de créer un dépôt international de pathologies COVID-19. Des chercheurs de 25 pays ont manifesté leur intérêt.