Le besoin d’établir des liens, de former et de maintenir un nombre minimal de relations positives, stables et intimes, s’avère fondamental pour notre bien-être. Sa privation pourrait-elle montrer des effets sur le cerveau?
Il y aurait en effet un parallèle à faire avec la privation d’autres besoins fondamentaux, tels que la nourriture et le sommeil, explique le psychologue Scott Barry Kaufman dans un billet récent du Scientific American.
Et une recherche parue en avril souligne également l’effet profond sur le cerveau que peut avoir un isolement social sévère.
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C’est connu, le fait de vouloir quelque chose augmente la transmission de dopamine dans le circuit de récompense du cerveau. C’est ainsi qu’on peut voir quand la personne a faim ou comment elle réagit à l’image d’une drogue dont elle est dépendante.
Pour les animaux sociaux que nous sommes, il serait logique que les interactions sociales soient également une forme de récompense primaire. Pour l’instant toutefois, la plupart des recherches ont été conduites sur les souris. En 2016, Gillian Matthews et ses collègues avaient par exemple démontré qu’après 24 heures d’isolement, les souris recherchaient une interaction sociale. Les neurones dopaminergiques de la partie du cerveau appelée mésencéphale étaient alors activés, de la même façon que lorsque la souris avait une fringale.
Certes, il paraît difficile d’affirmer hors de tout doute qu’une souris se sent seule. Comment alors appliquer cela aux humains? C’est ce qu’ont tenté de voir les auteurs de la recherche parue en avril: deux chercheuses du Laboratoire de neuroscience cognitive et sociale Saxelab du MIT et leurs collègues autrichiens.
Être seul pendant une journée n’est pas si long chez l’humain, et ne semble pas induire nécessairement un sentiment « d’isolement social ». La solitude peut même être une bonne chose pour certains, ce qui pose un défi méthodologique aux chercheurs. Ceux-ci ont demandé à 40 adultes en bonne santé et décrits comme socialement connectés, de passer 10 heures, soit de 9h du matin à 19 h, seuls, sans interaction sociale et sans autre stimulation sociale – ni Twitter, ni courriels, ni même de la lecture de fiction.
Les participants devaient ensuite visionner des images de leurs activités sociales préférées, de leurs aliments préférés et de quelque chose de neutre (des fleurs) pour distinguer les réponses du cerveau à ces différents stimuli.
Résultat: après seulement 10 heures d’isolement, les participants ont signalé beaucoup plus de désirs sociaux, de solitude, d’inconfort, d’aversion pour l’isolement et de diminution du contentement. Les mêmes résultats ont été obtenus après 10 heures… de jeûne! Les chercheurs ont en effet identifié une activité cérébrale similaire entre les deux conditions, bien que la réponse variait d’un participant à l’autre.
Ceux qui ont déclaré avoir plus de besoins sociaux après la période d’isolement ont montré une plus grande réponse du cerveau aux stimuli sociaux. À l'inverse, les participants correspondant aux niveaux plus élevés de solitude chronique ont signalé moins d’envie de contact social après ces 10 heures d’isolement et leur réponse cérébrale était atténuée.
Des résultats qui, bien que préliminaires, suggèrent qu’il existe un mécanisme similaire à la faim, sous-tendant le besoin social chez les humains. Autrement dit, les personnes qui sont forcées d’être isolées —comme en temps de confinement— ont besoin d’interactions sociales de la même manière qu’une personne affamée a besoin de nourriture.
Il reste à mieux cerner quels types d’interactions sociales positives répondent suffisamment à ce besoin de connexion du cerveau. Les progrès technologiques qui permettent de rester connecté peuvent-ils compenser une « vraie » socialisation ? Ça reste à explorer.