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À l’extrême nord du Venezuela, l’île Margarita abrite des capucins bruns. Ces « sapajous » (Sapajus apella) pourraient bien disparaître. Pas à cause des chasseurs ou des agriculteurs —mécontents qu’ils pillent les champs de maïs— mais plutôt à cause de la température moyenne, qui avoisine désormais les 30 degrés C.

C’est trop chaud pour ce petit singe omnivore à l’habitat limité. Et il n’est pas le seul: les lémurs de Madagascar, certains macaques indonésiens et d’autres singes africains, seraient particulièrement vulnérables aux variations du climat en raison de la petite taille de leurs territoires, conclut une récente étude québécoise.

« C’est très difficile, car ils ne peuvent pas échapper à ces hausses de température. Ils vont diminuer leurs activités et moins s’alimenter. Cela affectera aussi leur reproduction », résume la doctorante au Département de géographie, urbanisme et environnement de l’Université Concordia et co-auteure de l’étude, Brogan Stewart.

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On savait que la déforestation, la perte de biodiversité et le braconnage, faisaient partie des menaces pesant sur les primates. Il faudra dorénavant ajouter les changements climatiques: déjà, la hausse de température annuelle dépasse souvent le seuil limite pour un quart des singes autour de la planète.

Pour son analyse, la jeune chercheuse a comparé la répartition de 426 espèces de primates avec la variation des températures régionales et saisonnières par unité d’émission de CO2 pour chaque zone de répartition. C’est ainsi qu’elle a constaté qu’un quart des espèces de primates (27%) vivent dans des zones limites pour conserver un mode de vie assurant leur bonne reproduction. Ils sont donc particulièrement vulnérables aux changements climatiques.

L’étude montre que la température moyenne de certaines des régions occupées par ces espèces dépasse d’ores et déjà leur seuil de tolérance (ou « température maximale préindustrielle »). Qui plus est, neuf d’entre elles vivent au sein d’habitats de moins de 12 000 km2 - et sept n’ont plus qu’une seule aire de répartition – et sont donc classées comme menacées d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Brogan Stewart a ainsi élaboré des cartes montrant les zones les plus problématiques, afin de cibler les efforts de conservation pour chaque espèce et dans chaque pays. « Si nous connaissons les zones les plus à risque dans les habitats des primates, nous pouvons essayer de les protéger. Dans le cas extrême où l’habitat entier des primates est potentiellement inapproprié, les cartes pourraient servir d’indication pour les espèces qui nécessitent une migration assistée », relève la chercheuse.

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Les espèces qui vivent sur les îles, tels que les capucins bruns de l’île Margarita, sont particulièrement vulnérables au changement de climat. Les autres régions qui mettent les primates à risque se situent autour de l’équateur, entre les latitudes de 20°N et 10°S.

Les risques climatiques des primates

Cette étude en écologie climatique se distingue des autres par son approche, commente Dominique Berteaux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique. « S’intéresser à la température moyenne annuelle en augmentation par rapport aux températures les plus chaudes de la période préindustrielle s’avère original ».

Il faut toutefois rester prudent dans son interprétation, modère ce professeur à l’Université du Québec à Rimouski. Il y a inévitablement de la subjectivité, « comme le seuil limite, à prendre avec des pincettes; les auteurs de l’étude en sont conscients. Il reste difficile d’établir toutes les conditions relatives à la vulnérabilité des espèces, car elles peuvent s’adapter et montrer parfois une surprenante résilience », relève-t-il.

Les résultats les plus inquiétants de l’étude s’inscrivent cependant dans une tendance générale indéniable, à l’effet qu’une hausse de température rapide entraîne des conséquences dramatiques sur les espèces tout autour de la planète. « La tendance est là : l’aire de répartition des espèces se modifie. On le voit au Nord avec des déplacements d’orignaux, d’ours noirs ou de castors, et les espèces plus spécialisées vont être celles qui s’adapteront le moins », tranche ce spécialiste de la biodiversité nordique.

Celles qui pourront peut-être bénéficier d’une hausse de température, comme l’ours blanc —une étude récente souligne que l’abondance de phoques profite aux ours – ne sont pas légion. « Cela reste l’exception et cette situation demeure temporaire car les ours souffriront de la perte de leur habitat en raison du climat » soutient le Pr Berteaux.

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