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L’un des plus grands lacs des États-Unis a déjà perdu les deux tiers de sa surface. Et les choses ne sont pas encourageantes pour le dernier tiers.

Si les mouches et les petits crustacés du Grand Lac Salé se mettent à mourir en masse, ce sont les 10 millions d’oiseaux migrateurs qui s’y arrêtent chaque année qui perdront leur garde-manger. Par ailleurs, comme le fond du lac contient de l’arsenic, et d’autres résidus des activités minières de la région, si le lac est à ce point asséché que ce sol se retrouve à l’air libre, les tempêtes de vent transporteront le tout jusque dans les poumons des résidents de Salt Lake City, capitale de l’Utah, et des autres villes.

Même sans résidus miniers, des tempêtes de sable ne sont de toute façon pas une bonne nouvelle pour tous ceux qui souffrent d’asthme.

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Comme le décrit un reportage récent du New York Times, les solutions sont connues, mais pas faciles à appliquer. Une bonne partie de l’eau du lac provient de la fonte des neiges: puiser moins d’eau dans les trois grandes rivières qui descendent des montagnes semble donc aller de soi. Mais cette eau alimente aussi les 2 millions et demi de résidents du pourtour du lac, de même que les fermiers de la région. Et ce, dans une région qui est aux limites d’un grand désert.

Contrairement à ce qu’on entend souvent aux États-Unis, il ne s’agit pas d’un conflit entre ceux qui « croient » au réchauffement climatique et les autres: certains des élus républicains de l’Utah sont à l’avant-scène de la lutte pour atténuer les impacts des sécheresses à venir. Mais ils se heurtent à des intérêts économiques —agricoles, notamment— et politiques —la croissance urbaine locale et les réticences face à une tarification de l’eau.

L’été dernier, en juillet 2021, le niveau d’eau du Grand Lac Salé a atteint un nouveau record, son niveau le plus bas depuis que de telles mesures ont commencé à être prises, en 1875. Et les experts prévoient que ce record sera à nouveau battu dès cet été.

Il y a 30 ans, la surface du lac atteignait 5500 kilomètres carrés. À présent, tout dépendant de la méthode de calcul utilisée —la surface moyenne des 5 dernières années ou des 10 dernières années— on obtient des chiffres différents, mais le Bureau géologique américain lui accorde aujourd’hui moins de 1600 kilomètres carrés.

Et comme il ne s’appelle pas un lac « salé » pour rien, son rétrécissement a une autre conséquence mesurable: la proportion en sel, qui oscillait entre 9 et 12% à proximité de Salt Lake City, pourrait bientôt atteindre un seuil critique —placé à 17% par un biologiste interrogé par le Times— à partir duquel l’écosystème commence à s’effondrer: les populations d’algues diminueront, menaçant la survie des petits crustacés qui s’en nourrissent.

Les changements climatiques ont eu deux impacts ces dernières années, tous deux prévisibles: d’une part, à cause des températures plus élevées, davantage de neige s’évapore avant même d’avoir atteint le lac. D’autre part, les canicules augmentent la demande en eau des résidents et des agriculteurs pour arroser leurs champs ou leurs pelouses. Un troisième phénomène s’y est ajouté plus récemment: à mesure que le lac rétrécit, les tempêtes qui passent par-dessus ont moins d’humidité à transporter jusqu’aux montagnes, et il reste donc moins de neige à la fin de l’hiver pour alimenter le lac.

 

Photo: À gauche, le lac en décembre 1988. À droite, en septembre 2021, avec un peu plus de 1300 km2 exposés à l’air libre / Utah State University

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