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C’est le genre de choses qu’une université n’aime pas apprendre par le biais des médias: des chercheurs de l’Université de Boston sont impliqués dans une controverse depuis qu’on a appris, lundi, qu’ils ont testé en laboratoire une « version hybride » du SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID.

Leur recherche était  pourtant apparue en ligne en fin de semaine sans créer d’émoi dans la communauté scientifique : dans cette prépublication, c’est-à-dire une recherche qui n’a pas encore été révisée par les pairs, les chercheurs décrivent leurs efforts pour comparer la protéine spicule (spike protein) du variant Omicron avec celle de la souche originale, afin de comprendre ce qui rend Omicron plus virulent. Et ces efforts ont consisté à créer ce qu’ils ont appelé une version « hybride ».

Mais ce qui est sorti lundi dans les médias, tout d’abord dans le quotidien britannique Daily Mail —réputé pour ses manchettes tapageuses— puis à Fox News, c’est que les chercheurs auraient créé un virus « plus dangereux ».

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C’est en fait le contraire, le virus ainsi créé dans leur laboratoire est « moins dangereux », a insisté lundi l’Université de Boston par le biais de son service des relations publiques (le chercheur principal, Mohsan Saeed, du Laboratoire sur les maladies infectieuses émergentes, n’a pas répondu aux nombreuses demandes d’entrevues des journalistes).

La controverse réfère à ce qu’on appelle dans le langage des généticiens le « gain de fonction », qui est l’action de manipuler les gènes d’un virus pour le rendre, en théorie, plus dangereux. Le terme laisse penser à un scénario inquiétant, mais le but est plutôt de comprendre quelles mutations ou quelles protéines il faut cibler pour tuer dans l’oeuf la progression de ce virus. Sauf qu’il y a bel et bien un risque si le laboratoire n’est pas sécurisé (celui de Boston l’est), et c’est dans ce contexte que les organismes subventionnaires américains ont établi des règles strictes sur ce type de recherche. Rien n’indique que les chercheurs de Boston aient contrevenu à ces règles, leur travail ayant été approuvé par le comité d’éthique de l’université, et par la Commission de santé publique de Boston.

Ce qui a déclenché la controverse est surtout une ligne de l’article du Daily Mail, disant que les chercheurs avaient créé une « souche mortelle de la COVID avec un taux de décès de 80% ». Or, il s’agit d’un taux de décès chez les souris. Et surtout, chez une famille de souris qui est spécifiquement sélectionnée pour sa grande susceptibilité à ce virus: ces souris ont, dans les cellules de leurs poumons, un grand nombre de récepteurs qu’utilise le virus pour entrer dans les cellules humaines. Et les chercheurs de plusieurs laboratoires à travers le monde utilisent ces souris dans leurs recherches, puisqu’elles leur permettent de voir plus rapidement si un traitement fait une différence, ou non. Le taux de décès de ces souris, lorsqu’elles sont exposées à la souche originale du coronavirus, est de 80 à 100%. Rappelons que chez les humains, il est d’environ 1%.

La manipulation génétique a consisté à transférer la protéine spicule de la souche Omicron du virus dans la version originale du virus: c’est donc en ce sens que les chercheurs de l’Université de Boston ont créé un « hybride ». La surprise est que le taux de décès de cet « hybride » (80%) est supérieur à celui de la souche Omicron chez les souris. Et cela suggère aux chercheurs que les mutations dans la protéine spicule ne seraient pas les seules responsables des différences entre le variant Omicron et ses prédécesseurs, comme on l’a souvent entendu jusqu’ici : il faudrait traquer les mutations des autres protéines pour comprendre l’évolution du virus, suggère Mohsan Saeed dans un commentaire publié par l’université.   

En bout de ligne, la grande question reste de savoir si cette recherche, qu’elle ait contrevenue ou non aux règles, apporte quelque chose aux humains affectés par la COVID: les résultats de traitements sur des souris ne se transposent pas toujours aux humains, et c’est encore plus le cas avec ces souris. La controverse, notent des chercheurs depuis lundi, pourrait détourner l’attention de la nécessité d’accélérer les recherches sur les protéines du virus dont les rôles restent encore inconnus.

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