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L’idée d’une responsabilité légale des pétrolières dans les dégâts causés par le réchauffement climatique franchit un nouveau seuil avec l’expression « homicide climatique », proposée comme une nouvelle façon d’utiliser l’arme de la loi.

Certes, ce n’est pas d’hier que le langage des environnementalistes à l’égard des compagnies gazières et pétrolières contient des accusations de « crime », que ce soit contre la nature ou contre l’humanité. Par ailleurs, il y a maintenant plusieurs années que des poursuites en justice déposées dans différents pays, tentent d’établir une responsabilité criminelle: en particulier lorsque ces compagnies sont accusées d’avoir dissimulé de l’information sur ce qu’elles savaient quant aux risques climatiques. Beaucoup de ces poursuites ont fait chou blanc, les juges ayant décidé qu’il n’y avait pas matière à aller plus loin. En mai 2021 toutefois, une cour néerlandaise a, pour la première fois, stipulé que la compagnie anglo-néerlandaise Shell avait l’obligation d’en faire plus pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, sur la base de l’Accord de Paris de 2015.

Mais l’apparition du mot « homicide », dans le titre d’un texte publié le 24 mars par la revue Harvard Environmental Law Review, surprend. Les deux auteurs y allèguent que les compagnies productrices de carburants fossiles « n’ont pas simplement menti au public, elles ont tué des membres du public à un rythme accéléré, et les procureurs devraient amener ce crime à l’attention du public ».

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David Arkush —du groupe militant Public Citizen— et Donald Braman —professeur de droit à l’Université George Washington— rappellent dans leur article l’accumulation récente de preuves à l’effet que ces compagnies savaient, depuis au moins les années 1970, que les carburants fossiles allait hausser rapidement la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, contribuant à un réchauffement planétaire dangereux. On sait par exemple, grâce à plusieurs enquêtes journalistiques, qu’à partir de 1977 et pendant une dizaine d’années, les multinationales du pétrole avaient conclu que le réchauffement climatique était un risque bien réel, et ce sur la base de leurs propres recherches scientifiques. Elles allaient pourtant, par la suite, s’employer non seulement à le dissimuler au public et à leurs actionnaires, mais surtout, à dépenser des millions de dollars en relations publiques et en lobbying pour convaincre les politiciens et le grand public que le réchauffement climatique n’existait pas.

Les poursuites entamées ces dernières années ont utilisé ces informations. Mais pour les deux auteurs, il serait possible d’aller plus loin en utilisant carrément le concept d’homicide: ce pourrait être « le plus efficace des remèdes légaux disponibles ». La dissimulation d’information dans le but de combattre des politiques environnementales, signifie en effet une intention coupable, et si cette action a conduit, en plus, à des morts, cela relève du droit criminel, écrivent-ils. « Dans sa forme la plus courte, la définition légale d’un homicide criminel est une mort causée par un acte d’omission avec une intention coupable. »

Les deux auteurs, tout comme les juristes qui ont commenté l’article, reconnaissent ne pas s’attendre à ce que quiconque aille en prison. Mais utiliser l’arme de l’homicide dans une poursuite servirait à leurs yeux à donner un ton différent au message envoyé par les poursuites actuelles, et ouvrirait la porte à une façon différente de voir les pénalités qu'il faudra un jour imposer à l’industrie.

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