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Le concept des « points de bascule » ou « tipping points » a effectué un retour dans l’actualité cette semaine: cette idée que les systèmes qui gouvernent notre planète auraient des seuils au-delà desquels ils basculent dans un état de déséquilibre dont ils peuvent mettre des siècles, voire des millénaires, à se remettre. 

Le concept avait fait pour la première fois son chemin dan le langage courant en 2001, par l’intermédiaire du rapport d’alors du GIEC. En juin 2012, deux publications parues coup sur coup l'une de l’ONU (GEO-5) et l’autre dans Nature, concluaient que la Terre approchait de ces points de bascule, au nombre de neuf. Cette fois, ce sont sept scientifiques qui proposent une réflexion sur neuf points de bascule, en observant à quel point nos connaissances à leur sujet n’ont jamais cessé de se raffiner en 20 ans.

En 2001, les estimations prudentes avançaient qu’un « basculement » se produirait à coup sûr si la température moyenne dépassait les 5 degrés par rapport à l’ère pré-industrielle. En 2012, non seulement parlait-on plutôt de 2 degrés, mais on avait entretemps pris pour acquis que tous ces points de bascule avaient des seuils de tolérance différents, et qu’ils étaient interreliés. 

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Ainsi, le plus connu, c’est la quantité de dioxyde de carbone (CO2) dans l’air. Pour certains, dépasser le seuil des 450 parties par million (PPM) de CO2 dans l’atmosphère aura des conséquences irréversibles sur les courants atmosphériques et les calottes glaciaires. Pour d’autres, ce seuil a d’ores et déjà été dépassé, comme en témoignerait l’accélération de la fonte des glaces.

L’accélération de la fonte des glaces comporte elle aussi son point de non-retour: il existe un seuil à partir duquel cette fonte devient irréversible, sans retour en arrière possible, du moins pas avant des siècles. L’incertitude est la même avec d’autres seuils tels que le taux de déforestation de l’Amazonie, le déclin des récifs de corail, le ralentissement du Gulf Stream ou le dégel du pergélisol: on sait que ces seuils existent, on est incapable de les pointer avec précision… mais par rapport aux années 1990, on a de plus en plus d’arguments pour prétendre qu’on a peut-être dépassé certains points de non-retour.

C’est ce qu’ont écrit ces sept scientifiques le 27 novembre dans la revue Nature

Ces événements pourraient être plus fréquents qu’on ne le pensait, avoir de plus gros impacts et être interconnectés à travers différents systèmes biophysiques, amenant potentiellement la planète vers des changements à long terme irréversibles.

Nous alléguons que des effets en cascade pourraient devenir chose courante. Une recherche l’an dernier a analysé 30 types de changement de régime couvrant différents climats et systèmes écologiques, depuis l’effondrement de la banquise ouest-antarctique jusqu’à la transformation d’une forêt humide en savane. Ceci indiquait que le dépassement de points de bascule dans un système peut augmenter le risque dans d’autres. 

En fait, ajoutent-ils, la question n’est plus de savoir si nous pouvons empêcher ces changements. La question est plutôt de savoir si nous pourrons en limiter l’ampleur. La hausse du niveau des océans, par exemple, est un fait acquis. Les modèles les plus pessimistes allèguent que la calotte glaciaire du Groenland pourrait être vouée à disparaître dès que nous aurons dépassé le seuil des 1,5 degré Celsius, un seuil qui sera atteint vers 2030. Mais au-delà, toute la question est de savoir de combien nous ferons augmenter la température en plus de ce degré et demi, parce que la différence entre 1,5 degré et 2 degrés signifiera une fonte de la calotte groenlandaise qui se mesurera soit en siècles, soit en millénaires.  

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