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Le lien entre la publication d’une très importante recherche et sa reconnaissance par un prix Nobel de science était d’une quinzaine d’années au début du 20e siècle. Il approche aujourd’hui les 30 ans. 

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Il faut rappeler que les trois Nobel de science —médecine, chimie et physique— ne sont pas des « prix de la découverte de l’année » mais des récompenses qui reconnaissent l’impact à long terme qu’a eu une découverte: ces prix sont destinés à « ceux qui auront apporté les plus grands bienfaits à l’humanité », disait le testament d’Alfred Nobel. Il est vrai que le testament suggérait aussi « dans l’année précédente ». Mais le Comité Nobel s’est rapidement concentré sur la portion « les plus grands bienfaits », et il semblait dès lors logique qu’il faille un certain recul pour pouvoir mesurer cet « impact ». 

Le fait que ces délais aient doublé depuis l’instauration de cette récompense en 1901, et qu’ils se comptent à présent en décennies, a toutefois des conséquences visibles à l’oeil nu sur les photos des lauréats: dans les années 1900, certains des scientifiques étaient dans la trentaine. Aujourd’hui, il est rare qu’ils aient moins de 60 ans. Et c’est sans compter que des chercheurs qui auraient mérité une telle récompense ont le temps de mourir avant que ne vienne leur tour —car un Nobel ne peut pas être attribué à titre posthume. 

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Déjà en 2014, dans une compilation des « délais » croissants intervenus depuis 1901, on pouvait lire que « si cette tendance se poursuit, certains candidats ne pourront pas vivre assez longtemps pour assister à leur cérémonie du Nobel ».

Dans une plus récente compilation, parue en 2022, on constatait que le délai moyen pour recevoir un Nobel de chimie avait atteint 30 ans dans les années 2010, et 26 ans pour les prix de médecine et de physique. 

Mais l’étirement des délais n’est peut-être pas juste parce qu’il faut plus de temps qu’avant pour mesurer l’impact des « bienfaits à l’humanité ». Il y a aussi beaucoup plus de percées scientifiques qu’à l’époque d’Alfred Nobel, une tendance qui s’est accélérée au cours des dernières décennies. Résultat, même les experts ont du mal à suivre le flot. 

Une explication alternative, suggérée par l’informaticien finlandais Santo Fortunato, auteur du texte de 2014, pourrait être que dans ce flot, il y a moins de science qui change en profondeur un paradigme. Le développement de l’outil d’édition des gènes CRISPR-Cas9 étant l’exception la plus récente: son impact a été si rapide qu’il a suffi de neuf ans pour valoir aux biochimistes Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier le Nobel de chimie, en 2020.

Mais comme les délibérations des comités de l’Académie royale des sciences de Suède restent secrètes pendant 50 ans, seuls les historiens du futur pourront analyser ce qui a vraiment pesé dans la balance, aux yeux des jurys.

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Nobel de médecine 2023: seulement 18 ans d’attente

Le Nobel de médecine 2023 a été attribué à la biochimiste Karalin Karikó et à l’immunologiste Drew Weissman pour des découvertes qui ont permis le développement des vaccins à ARN contre la COVID et ont sauvé des millions de vies. Si l’écart entre leur découverte et l’attribution du prix est plus court que d’habitude pour un Nobel, il est tout de même de 18 ans: le travail du duo, à l’Université de Pennsylvanie, avait commencé dans les années 1990 et a fait l’objet d’un percée décisive en 2005, lorsque Karikó et Weissman ont développé une méthode permettant à l’ARN de s’introduire dans la cellule pour y porter ses « instructions ». Cela permet à nos protéines de fabriquer des défenses contre un virus plus vite et plus efficacement. Des vaccins à ARN contre la grippe et la malaria, entre autres, sont à présent en développement. Les deux pionniers ont remporté plusieurs autres prix prestigieux ces deux dernières années.

Nobel de physique 2023 : 36 ans d'attente

Le travail sur les photons et sur les électrons qui a permis entre autres la réalisation de puces électroniques fonctionnant plus vite que ce qui aurait jadis été imaginé, a été réalisé en 2001 dans le cas de deux des  lauréats du Nobel de physique 2023, et en 1987 dans le cas de la troisième lauréate, Anne L’Huillier, de l’Université Lund, en Suède. Tous trois ont travaillé indépendamment, ajoutant chacun leur brique à l’édifice. L’Huillier —5e femme de l’Histoire « nobelisée » en physique— a démontré en 1987, donc il y a 36 ans, que le passage d’un laser infrarouge à travers un gaz noble (comme le néon) amenait la fréquence des pulsations lumineuses ultra-rapides à un plateau. Une percée qui ouvrirait la porte aux travaux de Pierre Agostini et de Ferenc Krausz vers des pulsations lumineuses de l’ordre de l’attoseconde, soit le milliardième de milliardième de seconde.

Nobel de chimie 2023 : de 30 à 40 ans d'attente

C’est un travail théorique effectué séparément dans les années 1980 qui a valu à Louis Brus et Alexei Ekimov le Nobel de chimie 2023, remis le 4 octobre. Leur théorie est devenue réalité en 1993 grâce au troisième lauréat, Moungi Bawendi, du Massachusetts Institute of Technology. On parle de nanoparticules ici, ou « points quantiques », des cristaux de quelques atomes de large, qui ont la propriété d’émettre des longueur d’ondes spécifiques, comme une lumière bleue ou rouge. Les points quantiques sont aujourd’hui utilisés dans des applications qui nécessitent des longueurs d’ondes lumineuses spécifiques, des écrans de télé DEL jusqu’à l’imagerie médicale.

 

Ce texte a été remis à jour le 2 octobre avec l'ajout de cet encadré, puis les 3 et 4 octobre avec l'ajout des prix de physique et de chimie.

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