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Avant d’être populaire sur les réseaux sociaux, la désinfornation en science était populaire dans les… librairies. Il y a 10 ans, nous avions publié ce reportage sur une recherche troublante… et un brin désolante. Nous le republions ici à l'occasion du 45e anniversaire de l'Agence Science-Presse, le 21 novembre prochain. 

«Croire est une affaire de cerveau. Le cerveau humain a besoin de sens pour fonctionner.

Les gens qui lisent des livres qui traitent d’ésotérisme y croiront si cela a du sens pour eux», explique Serge Larivée, professeur à l’école de psychoéducation à l’Université de Montréal.

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Il présentait, lors du récent congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), les résultats d’une étude longitudinale sur l’espace occupé par les pseudosciences dans les librairies du Québec.

Espace réservé

L’étude, menée à 10 ans d’intervalle, soit en 2001 et en 2011, démontre que l’espace attribué aux pseudosciences par rapport aux sciences dans les librairies généralistes à grande surface est plutôt demeuré stable. En effet, la proportion moyenne d’espace attribué à ces ouvrages comparativement aux livres scientifiques est passée de 89,1% en 2001 à 86,5% en 2011.

Pour arriver à ce constat, le chercheur et ses collègues sont allés comparer l’espace (en centimètres) réservé aux livres consacrés à la vulgarisation scientifique et au fonctionnement de la science ou de son histoire, à celui occupé par les livres qui traitent d’ésotérisme, d’astrologie, de paranormal ou encore de psychologie populaire, dans diverses librairies à travers le Québec. Des résultats qui se traduisent comme suit: si tous les ouvrages mesuraient la même d’épaisseur, sur 10 livres, 9 seraient consacrés aux pseudosciences alors qu’un seul serait dédié à la science. Sans compter qu’il arrive souvent que les deux genres se retrouvent dans la même rangée, ce qui peut facilement mener à une confusion chez les lecteurs.

Un sujet très vendeur

Il existerait bel et bien une recette pour s’assurer qu’un livre devienne un succès de librairie. «Les plus gros vendeurs de livres tentent de nous donner des leçons positives de vie, racontent l’histoire de gens qui triomphent de leur maladie et abusent d’ésotérisme et de fantastique.»

De plus, la croyance est naturelle à l’homme, alors que le scepticisme ne l’est pas, fait valoir le chercheur. Il faut apprendre à douter, un concept différemment exploité par les deux domaines. «Les scientifiques prônent le doute raisonnable et le critère de réfutabilité. Les tenants du paranormal ont compris que faire appel à la vertu du doute était rentable.»

Marchands de faux doutes

Plusieurs facteurs expliqueraient le succès de ce qu’il nomme les «marchands de faux doutes». Le premier est inhérent au fonctionnement même de la science. «Les scientifiques sont heureux lorsqu’ils font des erreurs. La science doit être biodégradable!» précise-t-il, alors que cette démarche n’est pas toujours bien comprise. Un deuxième facteur concerne l’impact des bonnes et des mauvaises nouvelles. La majorité d’entre nous préfère les premières aux secondes et il s’agit d’un aspect sur lequel les marchands de doutes peuvent nous donner de l’espoir. Finalement, il arrive trop souvent que les journalistes exploitent la «doctrine de l’équité» en accordant autant d’importance aux sciences qu’aux pseudosciences, sous prétexte de présenter les deux côtés d’une même médaille qui n’en est pas une, signale le chercheur.

Une autre technique utilisée par les pourfendeurs du paranormal est le détournement de vocabulaire scientifique. «Pour assurer leur crédibilité, ces gens vont truffer leur discours de mots scientifiques. Cependant, ils se passent volontiers de la démarche scientifique.»

La science réservée aux enfants?

Fait intéressant, il semblerait que les livres de pseudosciences soient tout spécialement une affaire de «grandes personnes». En effet, l’étude démontre également que la proportion moyenne d’espace attribué aux ouvrages de pseudosciences par rapport aux ouvrages de sciences pour les enfants n’a pas vraiment changé de 2001 à 2011 en demeurant à 10%, soit totalement à l’inverse des résultats pour les ouvrages consacrés aux adultes.

Cependant, il ne faudrait pas s’en réjouir trop rapidement, car le professeur Larivée et son équipe ont observé l’arrivée en douce de livres pour enfants sous la rubrique «Nouvel Âge» ces dernières années. «Les gens n’arrêteront pas de croire. Ça recommence à chaque naissance. C’est pour cette raison qu’il faut apprendre aux enfants à douter.»

Ce texte est initialement paru le 14 mai 2013.
Il est republié ici dans le cadre du 45e anniversaire de l'Agence Science-Presse.  

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