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Selon diverses estimations réalisées à partir d’observations aériennes, un cinquième des édifices de Gaza avaient, déjà, à la mi-décembre, été endommagés ou détruits. À la mi-janvier, au moins 55% des infrastructures auraient subi des dommages sur plus de la moitié de leur superficie, et 45% sur la totalité, selon deux chercheurs américains analysant des photos satellites. Cela représente une quantité de poussières toxiques —isolants, béton et autres matériaux— qui deviendront un problème de santé publique, sur un territoire aussi petit où s’entassent autant de gens. 

Ce reportage est d’abord paru dans le magazine environnemental Grist.
Il est republié ici dans le cadre du partenariat entre l'Agence Science-Presse et 
Covering Climate Now,
une collaboration internationale de quelque 500 médias visant à renforcer la couverture journalistique du climat. 

Après la destruction des tours du World Trade Center dans une attaque terroriste le 11 septembre 2001, plusieurs études avaient établi un lien entre ces débris et une série de problèmes de santé à long terme, allant des maladies pulmonaires et respiratoires jusqu’au cancer. Des experts en santé publique affirment que le total de décès causé par des maladies reliées à la destruction de ces tours pourrait dépasser le nombre de décès causés par l’attaque elle-même (environ 3000), si ce n’est pas déjà le cas. 

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La destruction avait alors produit des nuages de poussières toxiques dont la composition reste en partie, à ce jour, inconnue: on croit par exemple que le plus gros des particules était fait de béton pulvérisé, mêlé à du verre, du plomb et de l’amiante, en plus de métaux lourds et de biphényles polychlorés, ou BPC, une substance cancérigène produite par l’incinération des câbles et des produits électroniques. Bien que ces données soient partielles, ce sont néanmoins les plus pertinentes dont on dispose pour tenter d’évaluer les conséquences des bombardements qui réduisent en poussières une partie de la bande de Gaza depuis trois mois et demi.

Des études comme celles menées aux États-Unis après le 11 septembre 2001 n’ont pas été reproduites dans des lieux comme la Syrie, l’Ukraine ou l’Irak, où le niveau de destruction des infrastructures urbaines et industrielles a laissé là aussi un héritage de pollution.

Selon Thorsten Kallnischkies, un expert en gestion des déchets consécutifs à un désastre, au moins 15 millions de tonnes de débris pourraient à présent couvrir le sol de la bande de Gaza. À titre de comparaison, le dernier affrontement entre Israël et le Hamas, en 2021, avait laissé 1 million de tonnes de débris. 

« Vous pouvez facilement alléguer », déclare Wim Zwijnenburg, chercheur à l’organisme néerlandais PAX, « que les civils dans des zones surchargées de poussières, de débris et de décombres, en respirent fréquemment. Pour l’instant, personne ne regarde du côté de ce type de risque. Mais ça a de vrais impacts sanitaires. »

Gaza est l’un des endroits les plus densément urbanisés de la planète. Cela rend la pollution toxique « un sérieux problème de santé publique à long terme », lit-on dans un rapport publié par PAX le 18 décembre. « Nous savons qu’il s’agit d’un risque, explique Zwijnenburg, nous ne savons simplement pas à quel niveau à Gaza en ce moment. »

La plupart des matériaux qui composent un édifice sont sans danger dans leur état normal. Mais les faire exploser leur donne des portes d’entrée dans notre corps. « Exactement comme la fumée de tabac, c’est un mélange toxique », explique Ana Rule, professeur adjoint à l’École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg. Le nez et la gorge peuvent bloquer des particules plus larges, mais les plus petites peuvent pénétrer dans le corps, « un peu comme un gaz », poursuit-elle, voyageant des poumons au sang.

Selon les Centres de contrôle des maladies (CDC) des États-Unis, ce miasme chimique généré en septembre 2001 aurait affecté quelque 400 000 personnes dans la région métropolitaine de New York —les premiers répondants de façon plus sévère, mais aussi tous ceux qui ont vécu ou travaillé près de Ground Zero. En 2011, le CDC avait lancé le Programme de santé du World Trade Center, pour identifier, comprendre et traiter des maladies liées au 11 septembre. Le programme a permis de documenter une liste croissante de maladies. Les plus fréquemment observées sont des problèmes aérodigestifs, des cancers et des troubles de santé mentale. Des cliniques spécialisées traitent gratuitement ces patients et, dans un article publié en 2021, les responsables du programme vantaient celui-ci comme un « modèle pour s’attaquer aux problèmes de santé complexes qui surgissent à court et à long terme après un désastre environnemental à grande échelle ».

Les guerres en Syrie, en Ukraine et en Iraq correspondraient certainement à cette définition. Mais dans les faits, les défenseurs d’un nettoyage sanitaire des lieux disent avoir généralement du mal à convaincre les gouvernements et les investisseurs que de tels efforts ne sont pas un luxe. 

Entre autres choses, le rapport de PAX a identifié au-dessus de Gaza, en décembre, une nuée de fumée noire émanant d’une usine de boissons gazeuses, suggérant des plastiques en train de brûler, en plus de dommages élevés dans le quartier industriel qui regroupe des fabricants de médicaments, de cosmétiques, de plastiques et autres produits chimiques.

Dans le cas des édifices détruits dans les zones résidentielles, les poussières d’amiante sont parmi les plus gros risques de santé publique. Bien que la plus grande exposition aux fibres d'amiante se produise lors de la destruction de l’édifice, les débris de celui-ci continuent de poser un risque. « D’après les images que j’ai vues, commente Ana Rule, les gens continuent de dormir et de vivre dans ces endroits », qui sont remplis de ces poussières d’amiante. « Ces microparticules peuvent être soulevées par le passage de souliers ou de véhicules, ou transportées ailleurs par le vent. » 

Image : Pixabay | Hosny Salah

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