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Un des atouts dont profite la désinformation : un trop grand nombre de gens ont une trop grande confiance en leur capacité —ou celle de Google— à vérifier l’information. Cela se reflète dans leur incapacité de faire confiance à ceux qui vérifient vraiment l’information. 

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Au point de départ, cela prend pourtant la forme d’un sain scepticisme, ont constaté des chercheurs en communications et en sciences politiques qui ont publié deux recherches là-dessus dans la dernière année. Pour la première de ces recherches, deux d’entre eux avaient mené, au début de la pandémie, 60 entrevues en profondeur avec des Américains qui suivaient les nouvelles par l’intermédiaire des médias traditionnels et qui se vantaient de « faire leurs propres recherches » pour corroborer ce qu’ils avaient lu ou entendu. Par exemple, l’un d’eux faisait une recherche Google « en direct », c’est-à-dire en même temps qu’il écoutait le bulletin de nouvelles. 

Un bon réflexe, avaient noté les chercheurs à l’époque, mais ces recherches individuelles aboutissaient-elles à de bons résultats? C’est la question à laquelle des collègues à eux ont tenté de répondre dans la deuxième étude, parue en décembre dernier dans la revue Nature. Leur conclusion: ces efforts pour vérifier les faits dans les nouvelles rendent ces personnes plus susceptibles de croire à des faussetés.

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Une des raisons tient au moteur de recherche lui-même : il est depuis longtemps établi que les résultats que donne Google ne sont pas nécessairement fiables. Un site peut se retrouver en tête de liste juste parce qu’il a fait un usage trompeur des mots-clefs. Face à un sujet controversé, voire à une théorie du complot qui n’a pas été analysée par des sources fiables, Google peut conduire vers une source sans crédibilité, juste parce qu’elle est la seule à en parler. Enfin, la croissance des contenus générés par l’intelligence artificielle (IA) pourrait empirer le problème

À travers cinq expériences —où les usagers devaient fournir leur jugement personnel sur la véracité de diverses nouvelles puis être invités, ou non, à faire des recherches— les chercheurs ont constaté que de faire une recherche en ligne pour « évaluer » la nouvelle conduisait à une probabilité plus élevée de croire à de la désinformation. L’effet était plus clairement associé aux gens dont la recherche les avait conduits à des sources de faible qualité.

La solution serait, en théorie, d’enseigner à ces personnes à repérer des sources de meilleure qualité. Mais le problème semble plutôt résider dans leur façon de faire la recherche: copier quelques mots-clefs d’une controverse ou d’une théorie du complot ne pourra pas conduire à des sources de bonne qualité, si ce groupe de mots-clefs n'est employé que par les croyants en cette fausse info. Autrement dit, ces personnes tombent sans le savoir dans ce que les chercheurs appellent un « vide informationnel » (data void), parce que leur méthode de recherche est inefficace: Google leur conseillera inévitablement des sources qui semblent confirmer la validité de leur fausse info... ce qui leur donnera l’illusion qu’il s’agit d’une information solide! 

Et certains désinformateurs comptent là-dessus: dans un ouvrage publié en 2022 et intitulé The Propagandists’s Playbook, la professeure en sciences de l’information Francesca Tripodi, de l’Université de Caroline du Nord, notait que « les élites conservatrices comptent sur les défauts de cette approche qui consiste à « vérifier les faits » en mettant l’emphase sur des termes précis, sachant que la traque de ces termes va conduire les gens à obtenir des résultats de recherche qui les laisseront mal informés ». 

Accessoirement, cette démarche va également conduire certaines de ces personnes à faire encore moins confiance aux informations journalistiques solides, puisque celles-ci entrent dès lors en contradiction avec leurs croyances nouvellement « renforcées ». 

Dans un texte de vulgarisation paru le 12 mars, trois de ces chercheurs s’inquiètent de l’arrivée de l’IA, avec son potentiel pour transformer « les résultats de recherche traditionnels, basés sur des hyperliens, par des recherches générées par l’IA qui résument, correctement ou non, d’autres sources ». L’impact « que cela aura sur la confiance du public envers les nouvelles —ainsi que sur la capacité du public à naviguer dans l’environnement informationnel— reste inconnu. »

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