vacciatio-tuberculose-1947.jpg

L’un des arguments récurrents des mouvements antivaccins depuis des années est que la vaccination n’aurait en rien permis de combattre les maladies infectieuses: c’est l’amélioration des mesures d’hygiène qui aurait fait tout le travail. Le Détecteur de rumeurs s’est penché sur ce que l’Histoire —et la statistique— en disent.


Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurscliquez ici pour les autres textes.


L’origine de la rumeur

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

L’amélioration des conditions sanitaires, tant au niveau personnel (la généralisation du savon, par exemple) que communautaire (eau potable, égouts, etc.) a certainement joué un rôle majeur dans la réduction de la mortalité et de la morbidité provoquées par les maladies infectieuses. Surtout celles touchant en priorité les enfants et transmises par la voie oro-fécale (comme le choléra ou la typhoïde) ou par contact direct (comme, jadis, la variole).

Par exemple, aux États-Unis en 1900, 30% de tous les décès concernaient des enfants de moins de 5 ans et les trois principales causes —pneumonie, tuberculose et diarrhée infectieuse— causaient, conjointement avec la diphtérie, un tiers de tous les décès. En comparaison, en 1997, seulement 1,4% des décès concernaient des enfants de moins de 5 ans. En 2018, les principales causes de mortalité infantile aux États-Unis étaient les malformations congénitales, la prématurité ou encore les complications de grossesse.

Le rôle de la vaccination

Dans la population en général, l’amélioration des conditions d’habitation, qui favorisaient jusque-là la transmission de maladies comme la tuberculose, a aussi eu un effet indéniable. Tout comme le recours à l’asepsie, par exemple contre le tétanos néonatal.

Mais toutes ces mesures n’ont éliminé à elles seules aucune maladie infectieuse. « Il est impossible de mesurer la part de responsabilité respective de l’amélioration des conditions sanitaires et de la vaccination dans la baisse des maladies infectieuses », note Laurence Monnais, professeure d’histoire à l’Université de Montréal et spécialiste de l’histoire de la rougeole. N’empêche que sans les vaccins, le monde d’aujourd’hui serait bien différent.

En effet, la vaccination a permis d’accélérer la diminution du nombre de cas et du nombre de morts dans les années suivant immédiatement l’introduction du vaccin (comme la rougeole) et de les amener proche de zéro dans les décennies qui ont suivi.

Impact des vaccinations infantiles de routine en France au 20e siècle

Vaccin-Hygiène-Tableau 1

(Source)

 

La variole

Pour mieux comprendre, considérons l’impact du vaccin contre la variole.

Cette maladie contagieuse aigüe est causée par un virus. Elle se propage par la salive et par contact direct avec une personne infectée.

La variole occupe une place unique dans l’histoire de la médecine : elle a fait des millions de morts à travers le monde et est en partie responsable de la disparition de populations autochtones en Amérique, en Afrique et en Asie. Mais elle est également la première maladie infectieuse (et l’une des deux seules à ce jour) à avoir été complètement éradiquée de la planète, à la suite d’une campagne de vaccination mondiale menée à partir des années 1950 par l’Organisation mondiale de la santé.

Dans son livre sur l’histoire de cette campagne d’éradication paru en 2009, l'épidémiologiste américain Donald Henderson suggère qu'au cours des 100 dernières années de son existence, la variole a tué au moins un demi-milliard de personnes. Autrement dit, environ 5 millions de décès en moyenne tous les ans. Cela signifie qu’entre 1980 et 2020, environ 200 millions de vies ont été sauvées.

La rougeole

Autre exemple : la rougeole. Elle est probablement la maladie humaine la plus contagieuse que nous connaissons, quelles que soient les conditions sanitaires : une personne peut en contaminer jusqu’à 18 autres, contre seulement 2 dans le cas de la grippe. C'est là que la vaccination prend son importance. 

Selon l’OMS, on enregistrait dans le monde d’importantes épidémies tous les 2 ou 3 ans qui pouvaient causer environ 2,6 millions de décès par an, avant que la vaccination ne soit introduite en 1963. En comparaison, on estime qu’en 2016, 89 790 personnes sont mortes de la rougeole. Il s’agit pour la plupart d’enfants de moins de 5 ans, en grande majorité dans les pays en développement.

Aux États-Unis, le nombre de cas et surtout la proportion de décès causés par la rougeole avaient commencé à diminuer avant l’introduction du vaccin dans les années 1960. En partie grâce à l’amélioration de la nutrition des jeunes enfants, la rougeole était moins susceptible d’être mortelle. Mais la mise en œuvre de campagnes de vaccination massive à partir des années 1960, a entraîné une chute radicale du nombre de cas menant à des décès.

Vaccin-Hygiène-Tableau 2

Source

vaccin-hygiène-Tableau 3

Nombre de cas de rougeole et de décès associés signalés aux États-Unis par 100 000 habitants, 1921-2015.
(
Source)

 

« La rougeole a connu des résurgences lorsque la couverture vaccinale baissait, explique Laurence Monnais. Ça été le cas par exemple à New York en 2018-2019. Et cette fois-là, l’épidémie a été stoppée parce que les autorités ont imposé la vaccination obligatoire et ouvert davantage de cliniques de vaccination. »

En fait, quand un vaccin est mis en circulation et que la couverture vaccinale augmente, le nombre de personnes touchées par la maladie baisse. Au contraire, quand la couverture vaccinale diminue, la maladie réapparait.

« Pour prévenir au mieux les maladies infectieuses, on peut compter sur un trio : hygiène, vaccination et éducation », résume Denis Goulet, historien des maladies. Selon lui, ce dernier élément est crucial aujourd’hui, à l’heure où les polémiques vaccinales prennent de l’ampleur.

 

Photo: Vaccination contre la tuberculose en Europe, 1947. Source: History of Medicine.

Je donne