Parmi les personnes qui hésitent à se faire vacciner, plusieurs ont comparé depuis le début de 2021 le vaccin à la nourriture, disant vouloir « choisir ce qui entre dans leur corps ». Mais un vaccin peut-il être comparé à de la nourriture ? Ou à un médicament ? Le Détecteur de rumeurs tente de répondre à la question.
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Peut-on vraiment comparer le mode d’assimilation d’un vaccin à ceux d’une carotte ou d’un comprimé d’acétaminophène ? Avant de trancher, il faut comprendre comment les aliments, les vaccins et les médicaments circulent dans l’organisme.
Nourriture : un processus complètement différent
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La carotte que vous croquez ou le morceau de poisson que vous dégustez suivent un long parcours au sein de votre appareil digestif. L’ensemble du cycle de digestion d’un repas, de la mastication à l’élimination par les selles, dure environ 24 heures. Pendant le processus, les aliments sont dégradés en nutriments — vitamines, minéraux, glucides, protéines et lipides — qui sont transportés par le sang jusqu’aux cellules. Ces nutriments fournissent aux cellules l’énergie dont elles ont besoin pour assurer le bon fonctionnement du corps, voire sa croissance, dans le cas des enfants.
En plus de « nourrir » les cellules, les nutriments peuvent agir sur les gènes, plus précisément sur des « interrupteurs » qui déterminent la quantité d’une substance qui sera fabriquée. Par exemple, chez l’homme et la souris, les sous-produits de l’acide aminé méthionine, présent en quantité dans la viande et le poisson, agissent sur des interrupteurs géniques associés à la croissance et à la division cellulaires. Les aliments peuvent ainsi avoir un effet sur les risques de maladie et la durée de vie.
Enfin, la carotte et le poisson que vous mangez n’influencent pas uniquement vos cellules. Leurs nutriments affectent aussi les cellules des micro-organismes qui vivent dans les intestins, les muqueuses et sur la peau — c’est-à-dire tout cet écosystème microscopique qui vit en nous et qu’on appelle le microbiote.
L'objectif des vaccins
En comparaison, les vaccins n’utilisent le sang que pour se déplacer vers les cellules et faire leur travail. Ensuite, ils disparaissent rapidement, décomposés par les cellules. Les vaccins sont généralement administrés par voie intraveineuse ou intramusculaire. Pour celui contre la COVID-19, la voie intramusculaire, dans le deltoïde, a été privilégiée en raison de son importante vascularisation, qui implique une plus grande présence de cellules immunitaires, notamment les cellules T et les cellules B qui attaquent le virus.
Rappelons que les vaccins sont conçus pour aider l’organisme à se défendre contre un agent pathogène (bactérie, virus, parasite ou champignon) susceptible de provoquer une maladie. C’est leur seule et unique fonction : ils ne « nourrissent » pas les cellules et ne contribuent pas à la croissance d’un enfant. Pour « apprendre » à notre organisme à reconnaître l’ennemi, ils peuvent contenir des éléments affaiblis ou inactifs de la bactérie ou du virus (un antigène) ; ils peuvent aussi contenir les plans permettant au système immunitaire de produire lui-même l’antigène qui va engendrer des anticorps, le jour où l’organisme sera infecté.
Mais dans tous les cas, on parle de doses minuscules, par rapport à la nourriture, de l’ordre d'une goutte (0,3 millilitre). Bien loin des quantités de nutriments ingérés quotidiennement aux repas.
De plus, dans le cas des vaccins dits « à ARN » de Pfizer et de Moderna contre la COVID, une fois injecté, l’ARNm en question pénètre dans les cellules pour leur indiquer comment créer la protéine de pointe (glycoprotéine « spike »), provoquant la réponse immunitaire. Mais les vaccins à ARNm n'entrent pas dans le noyau des cellules (voir ce texte) : or, c’est le noyau qui abrite notre ADN, et c’est la raison pour laquelle ces vaccins ne peuvent pas modifier nos gènes, contrairement à des craintes qu'on peut entendre ici et là.
Des médicaments dans le sang
Les vaccins n’agissent pas si différemment des médicaments, qu’ils soient administrés par injection ou pris par voie orale.
Les comprimés, donc les médicaments pris par voie orale, se dissolvent dans l’estomac, où ils suivent la trajectoire de n’importe quelle nourriture. Leur principe actif passera ensuite par le foie, où une partie sera transformée, avant de se répartir dans tout le corps. C’est ce qu’on appelle le « premier passage hépatique ».
D’autres médicaments sont plutôt administrés par voie parentérale, ce qui inclut les injections (intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée), ainsi que les patchs, les granules à faire fondre sous la langue ou les suppositoires. Ces médicaments se répartiront directement dans le sang sans passer par le foie.
Dans les deux cas, la substance médicamenteuse étant transportée par le sang, elle sera répartie dans tout l’organisme pour atteindre sa cible, par exemple un type particulier de cellule ou le foyer d'une infection. En ceci, le processus ressemble donc plus à celui suivi par la nourriture, à une importante différence près : le médicament est spécialement conçu pour une seule cible, alors que les nutriments de la nourriture peuvent servir à toutes les cellules du corps.
Son travail terminé, le médicament va être dégradé et éliminé par l’organisme. Le plus souvent, il sera évacué dans l’urine et les selles. Sa durée de vie dans l’organisme sera plus ou moins longue, selon le médicament et la durée du traitement.
Verdict
« Faire entrer » un vaccin dans son corps n’est donc pas, à la base, très différent d’y faire entrer un médicament ou de la nourriture. Mais une fois entré, une grosse différence est que le processus de digestion de la nourriture permet à celle-ci de servir à l’ensemble du corps, alors que le médicament et le vaccin sont dirigés vers une cible précise. Par ailleurs, si la nourriture termine son parcours dans notre sang, les vaccins et les médicaments ne l’utilisent que comme transport.
Photo: Alex Haney / Unsplash