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À en croire un texte signé par cinq universitaires québécois qui se présentent en « objecteurs de conscience », le vaccin à ARN devrait être refusé. Comment peut-on décoder leur texte, si on n’a pas soi-même étudié en science? Une étape préliminaire pourrait être de vérifier la crédibilité de la revue qui a publié ce texte.


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En mai dernier, le Détecteur de rumeurs présentait deux questions de base que toute personne est en droit de poser devant un article scientifique qui lui semble douteux, mais dont elle est incapable de décoder le jargon:

  • les auteurs sont-ils des experts du domaine
  • d’autres experts ont-ils soulevé des doutes sérieux sur cet article?

Il existe une autre question qui peut être posée et qui ne requiert pas non plus de longues recherches: la revue qui a publié cet article est-elle crédible?

En effet, de la même façon que toutes les études n’ont pas une valeur égale, toutes les publications qui accueillent des recherches scientifiques ne sont pas égales. Il existe des revues qui n’offrent aucune révision par les pairs, c’est-à-dire aucune relecture du texte avant sa publication par d’autres experts du domaine. Il existe même des revues qui sont qualifiées de « prédatrices », c’est-à-dire qu’elles publient n’importe quoi moyennant un paiement allant de quelques centaines à quelques milliers de dollars.

Qu’en est-il de l’International Journal of Vaccine Theory, Practice, and Research (IJVTPR), qui a publié le 23 août un texte signé par cinq Québécois, dont les professeurs Patrick Provost et Nicolas Derome, de l’Université Laval (tous deux temporairement suspendus plus tôt cette année pour leurs propos douteux sur la vaccination) et Christian Linard de l’UQTR? Il s’agit d’un texte d’opinion qui rappelle des incertitudes entourant la technologie des vaccins à ARN (que nous avons déjà abordées ici), mais qui n’apporte pas de données nouvelles concernant les dangers, réels ou supposés.

Qui est derrière cette revue?

L’onglet « about us » (à propos de nous) du site nous apprend tout d’abord que la revue est née le 1er octobre 2021. Elle n’a publié que quatre numéros: c’est trop tôt pour juger de son impact.

On peut toutefois s’étonner que le rédacteur en chef d’une revue vouée à « la théorie et la pratique des vaccins » soit un docteur en linguistique et que son principal adjoint (senior editor) soit un ophtalmologiste.

En fait, aucun des « éditeurs associés » de l’IJVTPR n’est un expert en vaccins: on trouve entre autres un neurochirurgien retraité, un ostéopathe et un autre linguiste. Ainsi que l’informaticienne Stephanie Seneff, co-auteure de l’article suspect dont parlait le Détecteur de rumeurs en mai dernier.

On trouve aussi sur ce comité éditorial un avocat qui dit « représenter les victimes des vaccins », ce qui colore tout de suite le biais idéologique de la revue. Et à ce sujet, les observateurs des mouvements antivaccins remarqueront la présence sur le comité éditorial de deux représentants du Children’s Health Defense, l’organisme américain qui, sous la direction de l’avocat Robert Kennedy Jr, est devenu un des chefs de file de l’opposition aux vaccins aux États-Unis.

Si cela ne suffit pas à éveiller des soupçons, une recherche sur le rédacteur en chef John Oller —le docteur en linguistique— révèle qu’il a longtemps défendu l’idée que les vaccins causent l’autisme, en plus de nier la théorie de l’évolution (il s’est affiché comme créationniste). L’ophtalmologiste, Christopher Shaw, a fait parler de lui depuis  10 ans pour ses prises de position sur la dangerosité des vaccins et sur le lien aujourd’hui discrédité entre vaccins et autisme. James Lyons-Weiler est un activiste antivaccin américain connu pour avoir faussement attribué des effets secondaires graves aux vaccins et soutenu que l'actuel coronavirus a été fabriqué en laboratoire. Russell Blaylock, le neurochirurgien retraité, s’est aussi affiché depuis longtemps pour son opposition à certains vaccins, dont ceux contre la COVID.

Enfin, huit des 10 signataires des articles du numéro consacré en 2021 à la COVID sont sur le comité éditorial de la revue, ce qui met en doute l’invitation de la revue à une « révision par les pairs ». Deux de ces articles sont signés par le « Children's Health Defense » dont un porte sur le « contrôle par les technocrates mondiaux ». Le numéro où paraît le texte des universitaires québécois contient également deux textes qualifiant les vaccins de « crime contre l’humanité ».

 

Verdict

Il était couru d’avance que ce journal publierait tout article prétendant à la dangerosité des vaccins, peu importe la valeur des arguments. 

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