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La vie telle que nous la vivons nécessite les constructions humaines. Nous dépendons des bâtiments pour nous loger et pour accomplir les activités quotidiennes les plus élémentaires. Pensez-y : avez-vous déjà passé plus de deux jours sans — à un moment donné — utiliser une maison ou un bâtiment ? À part quelques aventuriers du plein air, nous pouvons nous attendre à une réponse négative. D’un point de vue des impacts environnementaux, notre empreinte individuelle est fortement affectée par la part intégrante occupée par ces réalisations.

En raison de la longue durée de vie des bâtiments, il est fréquent de supposer que la majorité des impacts environnementaux générés par un bâtiment survient pendant sa phase d’utilisation. Cette hypothèse n'est pas fausse à la vue de l’utilisation majeure que nous faisons des bâtiments et du besoin en électricité et en chauffage important que cela représente. Il n'est donc pas surprenant que les gouvernements tentent de réguler la consommation d'énergie dans les constructions en exigeant des bâtiments dits "à haut rendement énergétique". Que ce soit par l'isolation, l'utilisation accrue des énergies renouvelables ou de meilleures stratégies de conception, ces bâtiments écoénergétiques ont réussi à réduire la quantité de ressources consommées. Super ! Nous pouvons donc maintenant tous célébrer la réduction de notre empreinte écologique, n'est-ce pas ? Malheureusement, pas si vite.

Lors de la construction de ces bâtiments "écologiquement préférables", la réduction de la consommation d’énergie passe par une augmentation de la quantité de matériaux utilisés. Et l'augmentation de l'isolation thermique ou les équipements servant à produire de l'énergie renouvelable possèdent leurs propres empreintes sur l'environnement. En fait, leur production peut parfois être beaucoup plus demandeuse en énergie et plus émettrice que celle des matériaux de construction utilisés à l'origine. Donc, au lieu de régler le problème, nous faisons simplement un transfert d’une partie des impacts aux premières étapes du cycle de vie du bâtiment.

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Ces étapes, ne représentant qu'une petite partie de l'impact, ont souvent été négligées dans les récentes évaluations environnementales. Cependant, avec les progrès de la performance énergétique, les impacts environnementaux avant utilisation (aussi appelés impacts intrinsèques) deviennent de plus en plus importants. Ainsi, continuer à les négliger serait problématique et, malgré la mise en garde des chercheurs, spécialisés dans l'Analyse du Cycle de Vie (ACV) des bâtiments, les politiques publiques n’en ont toujours pas tenu compte.

Profil environnemental relatif: impacts environnementaux intrinsèques versus de la phase d’utilisation du cycle de vie d’un bâtiment
Profil environnemental relatif: impacts environnementaux intrinsèques versus de la phase d’utilisation du cycle de vie d’un bâtiment
 

Le problème va plus loin. Les stratégies de réduction des impacts comprennent, notamment, l'assainissement des réseaux électriques par le recours aux énergies renouvelables. Ainsi, vous l’aurez compris, l'électricité consommée dans les bâtiments finira par devenir moins dommageable pour l’environnement, et ce, quelle que soit la performance du bâtiment. Bien que cette diminution de la consommation soit indéniablement bénéfique, la forte consommation d'énergie n'est donc pas le seul problème environnemental auquel est confronté le secteur du bâtiment. L’autre facteur — mentionné précédemment — est a quantité exorbitante de matériaux de construction nécessaires qui sont tous susceptibles de générer des émissions dangereuses et de consommer des quantités élevées de ressources. Or, toutes ces émissions et consommations se produisent au même moment en opposition aux impacts liés à l'utilisation d'un bâtiment qui sont répartis sur plusieurs décennies et soumis à d'éventuelles améliorations. Pour faire simple, cela signifie qu'il reste du temps pour tenter de contrôler les impacts de la phase d'utilisation. Par contre, dans le cas des impacts intrinsèques, ce que vous voyez est ce que vous obtenez, et ce que vous obtenez, c'est une grande quantité immédiate d’impacts environnementaux.

Nous sommes à une époque des bâtiments passifs (basse demande énergétique) et actifs (production d’énergie supérieure aux besoins) et ce trait de caractère "à la Jetsons" peut facilement amener les gens à penser que nous agissons vis-à-vis des impacts environnementaux. Cependant, tant que nous ne tiendrons pas compte des impacts associés aux technologies permettant ces avantages, ce ne sera jamais vraiment le cas. La réflexion axée sur le cycle de vie renforce cette perception, et il est grand temps d’utiliser cette approche pour jeter les bases d'une action gouvernementale pertinente.

Nombreux sont ceux qui croient que nous avons perdu la course contre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, le succès des mesures d'efficacité énergétique montre que nous pouvons améliorer considérablement la performance environnementale d'un secteur donné  en particulier lorsque des politiques publiques fortes entrent dans l'équation de la prévention. Nous possédons suffisamment d’informations de qualité sur l'importance de l'évaluation et de la réduction des impacts intrinsèques, pour changer la perception des décideurs politiques. Élargissons la portée de la réduction des émissions pour inclure toutes les étapes du cycle de vie des bâtiments et, espérons-le, devançons notre adversaire dans cette course pour notre climat.

 

 Marcella Ruschi Mendes Saade, stagiaire postdoctorale au LIRIDE (Université de Sherbrooke).

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