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Le syndrome de la vache à terre est bien connu des éleveurs et éleveuses : une vache couchée, incapable de se lever, est sujette à de lourdes complications à l’issue incertaine. Mettre les vaches à terre en piscine les aide à se lever et limite les conséquences médicales d’une position couchée prolongée. Cette utilisation de la piscine a été décrite pour la première fois en 1982 au Danemark. Aujourd’hui, les vaches peuvent être mises en piscine à la ferme, comme dans les hôpitaux vétérinaires des quatre coins du monde.

Aux premières heures de l’aube, M. Tremblay se dirige vers son étable. Il y découvre Marguerite, paisiblement couchée, avec son veau nouveau-né à ses côtés. L’image idyllique est parfois trompeuse. Marguerite est atteinte du syndrome de la vache à terre, c’est-à-dire qu’elle est incapable de se relever. Ses chances de récupération s’assombrissent d’heure en heure. La pression exercée par son propre poids engendre des dommages musculaires et neurologiques importants. Une intervention vétérinaire est nécessaire. Mais aujourd’hui, malgré la visite du vétérinaire, les traitements restent insuffisants. Marguerite ne se lèvera pas seule, elle a besoin d’une piscine pour l’aider. Comme de nombreux éleveurs et éleveuses, M. Tremblay a déjà entendu parler des piscines pour vaches.

 

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Décrite pour la première fois dans le Traité des corps flottants, la poussée d’Archimède permet à un corps solide immergé dans un liquide de flotter[i]. La piscine est un exemple concret de ce principe physique : l’eau de la piscine soulage la vache d’une partie de son poids, et facilite son lever et son maintien en position debout. Le vétérinaire de Marguerite en profite pour comprendre ce qui la maintient au sol.

 

Un tiers des vaches

À la belle saison, des vaches paisiblement couchées dans l’herbe apparaissent dans le paysage. Observer une vache couchée est tout à fait normal. Malheureusement, chaque année, deux vaches sur cent sont incapables de se relever[ii]. Les éleveurs, éleveuses et vétérinaires parlent du syndrome de la vache à terre. Comme Marguerite, six vaches à terre sur dix ont donné naissance dans les 24 heures qui précèdent le décubitus*[iii]. Les raisons pour lesquelles une vache est incapable de se relever sont multiples : un vêlage difficile responsable d’un traumatisme au bassin, des concentrations sanguines basses en calcium — élément indispensable à la contraction musculaire —, ou encore une infection sévère affaiblissant la vache. Mais, quelle que soit la raison, plus une vache reste longtemps au sol, plus ses muscles et ses nerfs seront comprimés ; plus ils seront endommagés, plus son lever sera compromis. Sans piscine, seul un tiers des vaches maintenues au sol pendant plus de 24 heures se relèveront[iv]. Les complications médicales du décubitus et son issue incertaine sont fréquemment associées à la mort naturelle ou assistée des deux tiers restants.

En plus de traiter la cause primaire du décubitus, comme l’hypocalcémie* ou les infections sévères, le vétérinaire peut recommander la piscine. Celle-ci limite la compression des nerfs et des muscles, et aide la vache à se relever. Au Québec, de 1994 à 2016, 1 318 vaches à terre ont été admises au Centre hospitalier universitaire vétérinaire de Saint-Hyacinthe[v]. De la ferme à l’hôpital, un matelas amovible permet le transport sécuritaire des vaches à terre. En l’absence de contre-indications médicales et toujours sur leur matelas, ces vaches sont glissées dans la piscine. En 5 à 10 minutes, celle-ci se remplit de 1 300 litres d’eau chauffée à 38 °C, soit l’équivalent de 10 baignoires[vi]. Aidées de la poussée d’Archimède, les vaches se lèvent. Elles tolèrent très bien ces séances de piscine et peuvent y rester plusieurs heures. De l’eau et de la nourriture sont mises à leur disposition. Les séances de piscines sont répétées pendant plusieurs jours consécutifs, jusqu’à la guérison complète. Selon la Dre Maria Puerto-Parada, vétérinaire spécialiste en médecine interne de l’Université de Montréal, après exclusion des vaches présentant des conditions intraitables, le taux de guérison est de 55 %[vii]. Ce taux est probablement sous-estimé en raison de l’arrêt prématuré des traitements associés aux contraintes budgétaires des propriétaires.

Une aide diagnostique

En plus d’être utile au traitement des vaches à terre, la piscine aide le ou la vétérinaire dans son diagnostic. Un ou plusieurs nerfs peuvent avoir été endommagés lors du décubitus prolongé. Le rôle du vétérinaire est de différencier une compression nerveuse transitoire d’une compression irréversible. Heureusement pour lui, les nouvelles piscines sont faites de plexiglas transparent. Le vétérinaire est capable d’observer les pattes de Marguerite pendant qu’elle est plongée dans l’eau et lors de sa sortie : faiblesse d’une patte, démarche anormale, etc. Si Marguerite se sent suffisamment forte, elle sera capable de rester debout et de sortir de la piscine en marchant.

Malheureusement, la piscine ne guérit pas toutes les vaches à terre. La plupart des fractures, luxations et déchirures musculaires se traitent difficilement chez les vaches adultes, qui peuvent peser plusieurs centaines de kilos. Et même en l’absence de fractures ou de luxations, après de nombreuses heures, voire de nombreux jours passés au sol, les dommages musculaires occasionnés sont très importants[viii]. La piscine limite certes les conséquences neurologiques et musculaires, mais elle ne traite pas les lésions préexistantes. Seuls le temps et certains traitements le peuvent.

Chaque année, plusieurs centaines de vaches québécoises bénéficient d’une piscine[ix]. Ainsi, les complications associées au décubitus prolongé sont minimisées et les pronostics s’en trouvent améliorés. Convaincues du réel intérêt des piscines pour vaches, de plus en plus de structures vétérinaires proposent la technique de flottaison dans les fermes, grâce à des piscines transportables, ou dans les hôpitaux vétérinaires, pour le plus grand plaisir de Marguerite et de ses congénères.

 

— Un article d'éloignement Guarnieri, étudiant au programme de maîtrise en sciences biomédicales à l'Université de Montréal

 

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