emi

Si les différents acteurs du milieu se réjouissent qu’on parle beaucoup plus d’éducation aux médias et à l’information depuis quelques années, ils devront toutefois prendre garde à ce que ce champ d’expertise ne soit détourné « par des intérêts politiques et industriels qui sont contraires à ses fondations ».

C’est l’appel à la prudence que fait Normand Landry, de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains, en marge de la publication d’une série de huit recommandations adressées au gouvernement du Québec. Ces recommandations ont été formulées au terme du colloque Pour en finir avec les fausses nouvelles : L’avenir des politiques et des pratiques en éducation aux médias, tenu l’an dernier à Montréal.

Ces recommandations, qui visent tantôt les programmes scolaires, tantôt le financement des médias, ou encore l’exercice de la citoyenneté, ratissent large, à l’image de l’évolution qu’ont subie depuis 20 ans les concepts d’éducation aux médias et à l’information, parallèlement à l’explosion des nouveaux outils de communication.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Or, le risque qu’évoque Normand Landry est que les gouvernements et les industries ne mettent l’accent que sur une portion congrue du problème : « On voit en Europe et aux États-Unis une survalorisation des compétences techniques, et un ancrage dans les ministères de développement économique… Plusieurs politiques européennes associent l’éducation aux médias à un maintien de la compétitivité sur la scène internationale ».

Pourtant, les préoccupations des acteurs du milieu sont ailleurs : la deuxième des recommandations vise à appuyer « le développement de réseaux d’expertises où se rencontreront les différents milieux de pratique et de recherche », la troisième, à soutenir « financièrement les activités réalisées par la diversité des acteurs investis en éducation aux médias », ce qui inclut « les acteurs du milieu scolaire, des bibliothèques publiques et scolaires, des médias d’information… ». Et la septième, « que les programmes scolaires intègrent une approche de l’éducation aux médias ancrée dans l’exercice de la citoyenneté et l’inclusion sociale ». 

En novembre 2018, le colloque avait eu lieu dans un contexte où l’intérêt croissant pour les fausses nouvelles avait généré plusieurs rencontres du genre, mais pas assez souvent orientées, selon Normand Landry, vers le rôle que devraient jouer les politiques publiques.

Le colloque se situait aussi dans le contexte québécois où, bien que l’éducation aux médias fasse depuis longtemps partie du programme scolaire, elle n’y occupe pas une place comparable à certaines des autres provinces canadiennes. « En Ontario, il y a dans le programme formel une cohérence beaucoup plus grande qu’au Québec en matière d’éducation aux médias, avec progression des apprentissages de la première à la huitième année », juge celui qui est également professeur à l’Université TELUQ.

Toutefois, même si le Québec tire de l’arrière sur ce plan, il est confronté aux mêmes défis qu’ailleurs : la prolifération des fausses nouvelles, la crise économique des médias d’information, la crise de confiance à l’égard des journalistes, le déficit de compétences du public lorsqu’il s’agit d’identifier une source fiable, et plus encore.

Des difficultés qui ne pourront pas être résolues uniquement par le programme scolaire : « Une multiplicité d’initiatives est menée par des milieux de pratiques variés », rappelle-t-on en introduction aux huit recommandations. Ces initiatives sont « méconnues et peu valorisées » mais « participent néanmoins à outiller les citoyens et les éducateurs ».

C’est ce constat qui explique que les recommandations visent l’ensemble des ministères, et pas seulement celui de l’Éducation : « Il s’agit maintenant pour nous de prendre nos bâtons de pèlerin », conclut Normand Landry.  

                                            

Je donne