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L’analyse du cycle de vie (ACV) est un outil de développement durable utilisé pour évaluer les impacts environnementaux liés à tout ou partie des étapes du cycle de vie d’un produit ou d’un service. Les modèles d’évaluation des impacts environnementaux disponibles à ce jour sont développés pour répondre aux besoins dans les régions de l’Europe, de l’Amérique du Nord ou encore du Japon, mais aucune méthodologie ne semble répondre aux spécificités des régions de l’arctique telles que le Nunavik.

Par Edgar Suerges, étudiant au Doctorat au LIRIDE.

De nos jours, avec le réchauffement climatique, de nouvelles routes maritimes sont sur le point de s’ouvrir dans les régions de l’arctique. L’ouverture de celles-ci s’accompagnera d’un développement socio-économique dans les secteurs du transport maritime, du tourisme et de la pêche. Aujourd’hui, au Nunavik, la production d’énergie se fait quasi exclusivement par le biais de la combustion de ressources fossiles dans des génératrices. Ainsi, 30 millions de litres de diesel y sont consommés chaque année (Québec, Ministère de l’énergie et des ressources naturelles., 2014), ce qui représente une solution en désaccord avec les principes de développement durable. Les récents développement dans la production d’énergie avec des ressources renouvelables proposent des solutions alternatives. Par exemple, des panneaux solaires ou des microcentrales hydroélectriques ont commencé à apparaître au Nunavik au cours des dernières années. Cependant, leur proportion reste faible, et une transition énergétique dans ces régions est encouragée par les gouvernements, notamment pour préparer le développement à venir.

Afin de s'y préparer, les communautés doivent être en mesure d’évaluer l’impact environnemental des solutions de production d’énergie pour orienter leurs décisions. Afin de s’inscrire dans cette démarche, sous l’impulsion de l’Institut Nordique du Québec, le LIRIDE a initié un projet de doctorat pour développer des méthodes d’ACV orientées sur la prise en compte des besoins et spécificités du Nunavik.

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Afin de calculer les impacts environnementaux avec l'ACV, les utilisateurs doivent définir, pour chaque étape du cycle de vie du produit étudié, quelles substances sont émises et dans quelles proportions. L’outil permettant de calculer un impact en fonction d’une émission se nomme méthode d’évaluation de l’impact du cycle de vie (EICV). Ces méthodes sont proposées aux utilisateurs sous forme de bases de données contenant des coefficients à appliquer pour calculer l’impact environnemental d’une substance par rapport à une substance de référence. Ces coefficients sont appelés facteurs de caractérisation (FC). A titre d’exemple, pour l’empreinte carbone, le méthane a un impact 30 fois plus important que celui du dioxyde de carbone qui est la substance de référence. Son FC est 1 tandis que celui du méthane est 30.

Toutefois pour certaines catégories d’impacts, en fonction du lieu où les substances sont émises, les conditions socio-environnementales modifieront le FC associé à chaque substance. Cette modification peut influencer significativement les résultats de l’analyse. Une méthode d’EICV prenant en compte cette variabilité est dite « régionalisée ». A titre d’exemple, selon l’une des méthodes d’EICV régionalisées les plus récentes, pour la problématique d’acidification des sols, le FC de l’ammoniaque est 50 fois plus grand pour le Canada que pour la France. De plus, la délimitation géographique sur laquelle les FC seront applicables aura également son importance. Cet aspect, appelé la résolution, dépend principalement de la disponibilité de données et se mesure en degrés latitude et longitude. Pour l’acidification des sols par exemple, certaines substances sont caractérisées à une résolution de 2° x 2.5 °, ce qui représente sous les latitudes du Nunavik une zone de 220km par 100km environ. La problématique vient ici du fait que toutes les substances ne sont pas caractérisées selon la même résolution à la fois d’une catégorie d’impacts à une autre mais également entre les différentes substances contribuant à une même catégorie.

A travers l’étude des méthodes d’EICV régionalisées actuelles, Pettersen & Song (2017), a récemment mis en lumière les spécificités régionales de l’Arctique qui influencent les paramètres de calcul des FC. Par exemple, les conditions climatiques comme la durée d’ensoleillement ou la température modifient notamment les modèles de transport des polluants. De la même manière, les spécificités biologiques et sociologiques comme le régime alimentaire ou la densité de population modifient les modèles d’exposition aux polluants. Il existe à ce jour environ une dizaine de méthodes d’EICV régionalisées mais certains modèles sont utilisés à l’unanimité par les plus récentes d’entre elles. Certains de ces modèles sont disponibles sous la forme de logiciels libres d’accès. La majorité de ces modèles sont développés pour l’Europe, mais l’adaptation pour le Nunavik semble possible.

Afin de réaliser le projet de développement d’une méthode d’EICV régionalisée pour le Nunavik, il sera nécessaire de s’approprier ces modèles pour agir sur les paramètres de calcul des FC. Il sera alors question de les alimenter avec des données fiables et récentes et avec une résolution géographique homogène autant que possible. Une fois cette méthode développée, les enjeux environnementaux pourront être identifiés d’une manière plus fiable et le développement des solutions de production de l’énergie au Nunavik pourra être optimisé de manière durable.

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