
Connue sous le nom de « Maman anti-plomb », Tamara Rubin, une mère de famille américaine, met en garde ses abonnés sur les réseaux sociaux, depuis des années, contre les dangers du plomb. Le Détecteur de rumeurs a toutefois constaté que traces de plomb et danger ne sont pas la même chose.
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Faits à retenir
- Il y a du plomb partout, mais il faut se demander en quelle quantité
- Il faut aussi se demander quelle quantité est absorbée par la personne
- La présence de plomb n’est pas automatiquement synonyme de risque pour la santé
Les origines
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Déjà en 2019, le site de vérification des faits Snopes signalait avoir reçu plusieurs questions concernant les affirmations de Tamara Rubin, ou Lead Safe Mama (« Maman anti-plomb »). Celle-ci est réputée pour effectuer des tests de détection du plomb dans toutes sortes de choses autour d’elle et publier ses conclusions sur les réseaux sociaux.
Par exemple, en 2017, ses tests sur des gobelets pour enfants avaient été jugés suffisamment préoccupants pour que l’organisme américain Center for Environmental Health procède à ses propres évaluations. La même année, Rubin avait aussi mesuré la présence de plomb dans des toupies de main (en anglais « fidget spinner »). Sur son site web, on peut consulter la liste des nombreux produits testés à ce jour (crème solaire, farine, pains, cannelle, vitamines prénatales, chocolats, céréales à déjeuner, etc.).
En avril 2025, l’analyse qu’elle a réalisée sur 51 marques de dentifrice a été relayée par le journal The Guardian. Selon elle, 90 % contenaient du plomb et 65 % de l’arsenic.
Une démarche incomplète
À ses débuts, expliquait Tamara Rubin, elle évaluait la présence de plomb dans les objets principalement avec un spectromètre à fluorescence X (« XRF » en anglais). Ce type de spectromètre permet de déterminer la composition chimique d’un objet, confirmait en 2019 l’article du site Snopes : c’est un instrument efficace pour détecter le plomb si sa concentration dépasse 10 ppm (parties par million) et si l’opérateur est certifié, ce qui est le cas de Rubin.
L’utilisation d’un tel instrument n’est toutefois qu’une première étape: il faut ensuite faire des analyses plus poussées pour estimer quelle quantité de plomb sera effectivement transférée à une personne. Autrement dit, dans le cas d’un objet, il ne faut pas seulement mesurer la teneur en plomb, mais aussi la quantité de cette substance qui s’en échappera pour être ingérée ou absorbée par la peau.
En 2024, Rubin a également commencé à faire faire des tests de produits par des laboratoires indépendants. Cela lui permet maintenant d’avoir des valeurs plus précises concernant la concentration de plomb, mais pas de savoir si les produits en question sont dangereux pour la santé. Cela ne l’empêche pas de suggérer des produits qu’elle considère comme sécuritaires et de partager des liens pour se les procurer sur Amazon, ce qui lui donne une commission.
Un métal omniprésent, mais en quelle quantité?
Or, comme le plomb est présent un peu partout dans l’environnement, la présence de plomb dans certains aliments ou objets est inévitable, rappelait notamment l'Agence canadienne d'inspection des aliments dans un rapport qui, en 2019, avait conclu que 67 % des 985 échantillons d’aliments analysés renfermaient du plomb. La même année, une étude réalisée par Healthy Babies Bright Futures, un groupe dont la mission est de réduire l’exposition des bébés aux produits chimiques, révélait que 95 % des aliments pour bébé testés contenaient des substances chimiques comme du plomb ou de l’arsenic.
Toutefois, la détection de plomb dans un aliment ne signifie pas automatiquement qu’il y a un risque pour la santé. La chose importante à savoir est la quantité de plomb à laquelle une personne est exposée.
Cela dépend bien sûr de la concentration de plomb dans l’aliment, mais aussi de la quantité d’aliments consommée. La concentration maximale pour le plomb peut donc varier d’un aliment à l’autre.
Par exemple, selon le Règlement canadien sur les aliments et drogues, une préparation pour nourrissons prête à être consommée ne doit pas contenir plus de 0,01 partie par million (ppm) de plomb alors que la limite maximale pour un jus de fruits est de 0,05 ppm. Lorsqu’on regarde les concentrations mesurées dans l’enquête Healthy Babies, on constate que les préparations pour nourrissons et les jus de fruits analysés sont conformes à ces normes avec des concentrations maximales respectives de 0,007 8 ppm et 0,011 1 ppm.
Par ailleurs, lors de l’enquête de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, les chercheurs avaient conclu que les concentrations de plomb détectées n’étaient pas préoccupantes pour la santé humaine. Selon Santé Canada, les concentrations de plomb dans les aliments vendus au Canada sont généralement très faibles et il est inutile de changer ses habitudes alimentaires.
La règlementation est différente pour les objets. En effet, le plomb ne constitue pas un danger s’il ne risque pas d’être ingéré ou absorbé par la peau. Les objets qui ne contiennent que des quantités minimes de plomb ne représentent donc pas un risque pour la santé, peut-on lire dans la trousse d’information sur le plomb de Santé Canada.
En fait, au Canada, seulement certains produits font l’objet d’un règlement pour limiter la quantité de plomb. Par exemple, selon le Règlement sur les jouets, la teneur en plomb des parties accessibles d’un jouet pour enfant ne doit pas dépasser 90 PPM (ou 90 mg/kg).
Des risques pour la santé?
Reste que le plomb fait partie des métaux les plus préoccupants pour la santé humaine avec l’arsenic, le cadmium et le mercure, soulignait en 2019 l’agence canadienne.
De plus, les enfants sont plus sensibles que les adultes à ses effets négatifs. Chez eux, des taux entre 10 et 15 microgrammes par décilitre peuvent causer des effets nocifs sur les systèmes neurocomportementaux et cognitifs. D’ailleurs, depuis 2012, la limite maximum pour les enfants de 1 à 5 ans est de 3,5 microgrammes par décilitre de sang. Lorsqu’on dépasse ces concentrations, des impacts sur le QI sont possibles.
C’est pourquoi plusieurs mesures ont été prises dans les dernières décennies pour diminuer l’exposition au plomb dans la population, notamment par son élimination dans la peinture, l’essence et les soudures des boîtes de conserve.
Verdict
Le plomb peut bel et bien être détecté dans les aliments et certains objets de la vie quotidienne, mais il est également présent dans l’environnement. Cependant, non seulement les quantités sont généralement trop faibles pour entraîner des risques pour la santé, mais dans le cas des objets, le plomb n’est pas nécessairement absorbé par notre corps.