Des eaux de surface anormalement chaudes et des températures anormales qui s’étendent jusqu’à une profondeur inhabituelle: de là provient le « carburant » qui a permis l’intensification de l’ouragan Melissa, qui lui a fait battre plusieurs records.
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La recette des ouragans de catégorie 5 a de tout temps été la température de l’eau plus élevée. Mais les eaux plus chaudes de cette fin du mois d’octobre étaient « de 500 à 700 fois » plus susceptibles de se produire à cause des changements climatiques, estimaient le 27 octobre le climatologue Daniel Gilford et ses collègues du site américain Climate Central.
Ils font référence au fait que, dans la région de l’Atlantique où les vents de l’ouragan Melissa ont gagné plus de 100 kilomètres à l’heure en 24 heures (du 25 au 26 octobre), les eaux de surface étaient de 1,4 degré Celsius au-dessus de la moyenne de la deuxième quinzaine d’octobre. Melissa a atteint la catégorie 5 —le seuil le plus élevé— le 28 octobre, avant de frapper la Jamaïque. Avec des vents atteignant un sommet de 298 kilomètres/heure et une pression centrale extrêmement basse de 892 millibars, cela en a fait un des ouragans les plus puissants jamais enregistrés dans l’Atlantique, et le plus puissant pour ce moment tardif de l’année (la saison des ouragans court de juin à la fin-novembre).
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Or, la tendance la plus dangereuse qui semble se dessiner ces dernières années n’est pas une augmentation du nombre d’ouragans de catégorie 5 —les climatologues débattent encore de cette possibilité— mais la vitesse extrême à laquelle ils peuvent gagner en intensité —au point où les autorités locales peuvent ne pas avoir le temps nécessaire pour s’y préparer.
La raison pour laquelle Melissa a été capable d’atteindre ce seuil extrême, c’est un alignement de circonstances voué à devenir plus fréquent à mesure que la température moyenne de la planète augmente, commente dans le Scientific American l’expert en ouragans Brian McNoldy, de l’Université de Miami. Melissa « prend avantage de toutes les conditions possibles ».
C’est une « combinaison frustrante », ajoute l’experte de l’atmosphère Kim Wood, de l’Université de l’Arizona: une combinaison de facteurs dont « nous savons qu’elle est possible », ce qui ne nous empêche pas d’être étonnés de la voir « prendre forme de cette façon ».
Parmi ces facteurs, il y avait la température de l’eau sous la surface: des mesures prises par des balises flottantes une semaine plus tôt avaient révélé des températures de plus de 30 degrés Celsius jusqu’à 60 mètres de profondeur, ce qui est très inhabituel. Il y avait aussi la grande lenteur à laquelle avançait la tempête.
En temps normal, une telle tempête aurait inévitablement déchaîné des eaux de profondeur plus froides, ce qui l’aurait éventuellement affaiblie. Par ailleurs, si elle avait progressé plus vite vers l’ouest, elle aurait eu moins de temps pour grossir. Autrement dit, la tempête tropicale devenue ouragan a pu profiter des conditions idéales pour devenir un ouragan de catégorie 5 —et pour demeurer à ce niveau pendant une journée complète.
Il en a résulté, sur la Jamaïque, des vents extrêmes, mais aussi des pluies torrentielles. L’ouragan a laissé derrière lui un parcours de destructions dont il faudra des semaines pour mesurer l’impact. Rétrogradé en ouragan de catégorie 3, il a traversé l’Est de l’île de Cuba dans la matinée du 29 octobre.




