Dans mon article précédent, le concept de «déchet» est présenté d'un point de vue historique à l'échelle des temps géologiques et qui se définit ici comme ce qui est produit par le vivant et ne peut être recyclé par l'écosystème dans lequel il se trouve, à tout le moins à l'époque de sa production. Dans cette optique, les hydrocarbures en constituent l'exemple tout désigné. Si on souhaite rester conséquent, une autre matière doit alors faire son entrée dans cette définition : les fossiles. Ils sont le produit du vivant et forcément, s'ils sont parvenus jusqu'à nous, c'est que cette partie de leur organisme n'a pu être recyclée par l'écosystème qui leur a donné naissance. Contrairement aux hydrocarbures, ceux-ci ne constituent pas forcément une matière recyclable. Pourtant on peut concevoir un nouveau type de recyclage en considérant que ce matériau se trouve recyclé à tout le moins sous forme d'informations pour l'esprit humain. Or, quoi qu'il soit, le recyclage a un coût. Un coût énergétique. Et les informations produites par un cerveau exigent, elles aussi, un coût énergétique. Voyons cela.
Pour être traitée, une information doit être codée. Dans le cas d'un système cérébral, ce sont les neurones qui doivent communiquer entre eux et cette communication représente une dépense d'énergie, mais le véritable coût énergétique n'est pas là : tout organisme produit de la chaleur, habituellement sous forme de rayonnement infrarouge. Ce rayonnement est de l'énergie évacuée hors de l'organisme et qui n'est bien souvent pas récupérée par une forme de vie. Si une partie est retournée au sol par l'atmosphère de notre planète, une autre s'échappe dans le vide intersidéral de l'espace lointain. C'est intéressant, car cette constatation nous amène à élargir notre concept de déchet. Dans ce cas-ci, le déchet en question n'est plus matériel, il est énergétique. De l'énergie - du rayonnement électromagnétique sous forme d'infrarouge - si elle est perdue, si elle ne plus être récupérée par un écosystème quelconque de notre planète, peut être considérée sur le plan écologique comme un déchet. En fait, le point le plus important ici consiste à nous faire prendre conscience que cette perte énergétique donne naissance à un nouveau type de déchet. Jusqu'ici on a toujours considéré que tous les déchets produits devaient forcément s'accumuler que ce soit dans les mers, dans la roche ou à la surface de notre planète si ce n'est dans son atmosphère, mais avec le rayonnement infrarouge produit par les organismes perdu dans l'espace, ce type de déchet ne s'accumule pas. On peut parler de déchet non cumulatif. Si on entretient un doute quant à la pertinence de cette distinction entre déchets cumulatifs et non cumulatifs, pensons que notre espèce commence tout juste à produire ces deux types de déchet dans le domaine spatial : d'une part, des déchets s'accumulent autour de notre planète constituant une nuisance dans l'environnement de nos satellites, d'autre part, des sondes spatiales interplanétaires qui sont devenues ou deviendront non fonctionnelles constituent ce nouveau type de déchets non cumulatifs, toujours au sens écologique.
Déchets énergétiques et déchets moléculaires
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En fait, le vivant est à la source de ce qui peut être considéré comme un autre type de déchets bien connu des biologistes : les radicaux libres. C'est à l'échelle moléculaire qu'on les retrouve. Molécules très réactives qui tentent de s'apparier à d'autres molécules, les radicaux libres perturbent le fonctionnement biochimique de la cellule. Sous-produit, entre autres, de la respiration cellulaire, les radicaux libres s'accumulent petit à petit dans l'organisme et sont associés au vieillissement. L'évolution a doté les espèces animales d'une ligne défensive jouant le rôle d'antioxydants : la superoxyde dismutase et la glutathion peroxydase sont deux enzymes qui ont pour but de neutraliser ces molécules réactives. À nouveau, le travail d'élimination de ces déchets moléculaires a un coût énergétique. De la chaleur est produite et comme on vient de le voir, cette énergie est perdue. En d'autres mots, le traitement de ces déchets moléculaires engendre comme sous-produit un déchet sous forme énergétique. Si on y réfléchit bien, on peut le concevoir de la façon suivante. Cette chaleur produite par les organismes doit provenir de quelque part. Pour l'une de ces sources d'émission, on peut penser que ces molécules très réactives que sont les radicaux libres doivent posséder un surplus d'énergie comparé aux molécules dont tous les électrons sont appariés. Neutraliser un radical libre pourrait alors signifier diminuer son niveau énergétique. Où va alors cette énergie dans ce bilan énergétique? Une partie du moins serait transformée en rayonnement infrarouge et s'échapper dans l'espace environnant.
Ainsi l'évolution aurait doté le monde animal de cette possibilité de transformer une partie des «déchets cumulatifs» en déchets énergétiques qui ne s'accumulent pas, aussi bien dans l'organisme que dans la biosphère. C'est peut-être là l'une des clefs du succès du maintien de la vie sur notre planète.