Ce n’est pas l’avis de la columnist du Daily Mail de Londres pour qui, en annulant la conférence du Dr Watson, le « Musée des sciences a fait un fou de lui-même », choisissant la censure au détriment du débat -alors que le débat est à la base même de la science.
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Même réaction chez un columnist d’un autre quotidien britannique, The Guardian, pour qui, avec ce geste, on a fait déraper le débat du racisme vers la censure. Outre-Atlantique, la suspension de son poste d’administrateur au Laboratoire Cold Spring Harbor, n’a pas provoqué de semblables réactions dans la presse.
Retour en arrière. Le dimanche 14 octobre, l’Américain James Watson, Prix Nobel 1962 pour sa co-découverte de la structure de l’ADN en 1953, fait l’objet d’une entrevue dans le Sunday Times de Londres, à l’occasion d’une tournée de conférences qu’il entame alors en Grande-Bretagne autour de son nouveau livre, Avoid Boring People (traduction libre : Ne pas être ennuyeux). Enfouis à l’intérieur de cet article se trouvent les propos qui ont tout déclenché : les Africains ne seraient pas aussi intelligents que « nous ».
Ces propos ne sont toutefois soulignés d’aucune façon par le Sunday Times. Ils ne se retrouvent à la Une des autres journaux que 72 heures plus tard —et c’est alors que le Musée des sciences annonce qu’il annule la conférence du Dr Watson. Le 18 octobre, celui-ci s’excuse, alléguant que ses propos ont été mal interprétés, et ajoute que, en effet, « il n’existe aucune base scientifique pour une telle croyance ». Mais au même moment, le Laboratoire Cold Spring Harbor, où Watson est chancelier de l’École Watson des sciences biologiques, annonce que le (de moins en moins) distingué scientifique est suspendu de ses fonctions.
Connu pour ne pas tourner sa langue sept fois avant de parler, Watson-le-provocateur a déjà fait les délices de la presse pour avoir déclaré que les Latinos avaient une plus grande libido que les Blancs, a déjà donné du poids à la théorie, depuis longtemps discréditée, d’un gène de l’homosexualité, et même d’un gène de la stupidité (lire Le gène de la stupidité n’est pas là où on pense).
« Cette fois, poursuit la columnist du Daily Mail , ce n’est pas juste le représentant auto-proclamé et hystérique d’une minorité que les critiques essaient de réduire au silence. C’est une institution dont l’existence est ancrée sur la recherche de vérité. » Ailleurs en Grande-Bretagne, le Centre for Life, à Newcastle, a confirmé qu’il n’avait pas l’intention d’annuler la conférence du Dr Watson, prévue pour le 21 octobre, alléguant que cela fournirait justement une occasion pour un débat public. Mais à ce moment, le scientifique avait déjà plié bagage et était rentré aux États-Unis.
Une autre célébrité des sciences de la vie, le Britannique Richard Dawkins, qui devait « interviewer » Watson devant public à l’Université Oxford cette semaine, a dénoncé ce « musèlement » par une « police de la pensée » et un « laboratoire auquel (Watson) a consacré la majeure partie de sa vie, lui faisant acquérir une réputation de niveau international ».
Même la journaliste qui l’a interviewé dans l’article désormais maudit du Sunday Times —qui a elle-même une formation en science et, surtout, a brièvement travaillé, 10 ans plus tôt, sous la gouverne du Dr Watson aux États-Unis— prend sa défense dans l’édition du 21 octobre : « mon espoir est que, une fois la poussière retombée, le laboratoire réalisera qu’il est un atout trop précieux pour être rejeté sur la base de craintes de ce qu’il a dit ou pourrait dire. Il peut le dire, il peut s’excuser, d’autres peuvent en débattre. Nous nous vantons de vivre dans une société démocratique. S’il avait dit —ce qu’il n’a pas fait— que je pourrais être moins intelligente parce que je suis blonde, je n’y attacherais aucune importance. Ce qui compte à mes yeux, c’est que si quelqu’un que j’aime est malade ou se meurt d’un mal incurable, l’homme qui a le cerveau, les capacités ou les ressources pour l’aider, doit être autorisé à le faire ».